M comme Maladie psychiatrique (et autisme infantile)
Leibniz soutenait que s’il était possible d’agrandir un cerveau à la taille d’un moulin et qu’un homme y pénétrât, l’observation des rouages ne lui apprendrait rien sur son fonctionnement intime (conscience, désir, etc…)*.
Le discours moderne des neurosciences semble oublier cette assertion. L'imagerie médicale actuelle entretient l'illusion que nous pénétrons dans le moulin et qu'ainsi tout s'éclaire, comme si la vision superficielle d'un fonctionnement nous permettait de comprendre l'intimité de ce fonctionnement . On croit prouver l'organicité (les rouages du moulin) d'une affection psychiatrique parce que telle ou telle zone cérébrale « s'allume ou ne s'allume pas » sur les images radiologiques.
On entend, donc aujourd'hui, Valérie Létard , Secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, affirmer tranquillement « que l’autisme infantile n’est pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique » (discours 28 Mai 2009**).
Toutefois :
1/ Observer que des désordres psychiques sont accompagnés de modifications cérébrales n’autorise nullement à réduire les premiers aux secondes.
2/ Et même s'il était établi que l’autisme infantile est un « trouble d’origine neurobiologique », on ne voit pas au nom de quoi il faudrait nier qu’il est aussi une maladie psychiatrique.
Des déductions aussi désinvoltes sont même étonnantes de la part de gens qui prétendent parler au nom de la science. On peut regretter que les avancées importantes des neurosciences soient exploitées à des fins partisanes.
Aux tenants des neurosciences qui pensent découvrir la vérité du fonctionnement neuronal (gènes, neurotransmetteurs, imagerie), il convient de citer Hugo (sans même solliciter Heidegger) :
« O science! Absolu qui proscrit l'inouï!
L'exact pris pour le vrai! la plus grande méprise »***
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Pierre Grégoire (psychiatre)
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* « Et feignant qu’il y ait une Machine, dont la structure fasse penser, sentir, avoir des perceptions ; on pourra la concevoir agrandie en conservant les mêmes proportions, en sorte qu’on y puisse entrer, comme dans un moulin. Et cela posé, on ne trouvera en la visitant au dedans, que des pièces, qui poussent les unes les autres, et jamais de quoi expliquer une perception. » (Leibniz, Monadologie, 17)
** « C’est pourquoi nous avons fait de l’autisme un axe prioritaire de la formation des professionnels de santé. Ils ont reçu une plaquette leur rappelant les recommandations de la HAS en matière de diagnostic et insistant sur la nécessité de recourir à la classification de l’OMS, qui dit bien que l’autisme n’est pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique » (V.Létard Bilan d’étape du plan autisme 2008-2010 : http://www.legislation-psy.com/spip.php?article2181)
Précision: il faut savoir que, contrairement à ce que dit Valérie Létard, la classification internationale des maladies classe toujours l'autisme infantile dans les maladies mentales et troubles du comportement et inclut la psychose infantile dans l'autisme infantile.
*** Hugo Toute la Lyre LXVII Le calcul, c’est l’abîme.