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vive les sociétés modernes - abécédaire
9 juin 2009

M comme Maladie psychiatrique (et autisme infantile)

Leibniz soutenait que s’il était possible d’agrandir un cerveau à la taille d’un moulin  et qu’un homme y pénétrât, l’observation des rouages ne lui apprendrait rien sur son fonctionnement intime (conscience, désir, etc…)*.

Le discours moderne des neurosciences semble oublier cette assertion. L'imagerie médicale actuelle entretient l'illusion que nous pénétrons dans le moulin et qu'ainsi tout s'éclaire, comme si la vision superficielle d'un fonctionnement nous permettait de comprendre l'intimité de ce fonctionnement . On croit prouver l'organicité (les rouages du moulin) d'une affection psychiatrique parce que telle ou telle zone cérébrale « s'allume ou ne s'allume pas » sur les images radiologiques.

On entend, donc aujourd'hui, Valérie Létard , Secrétaire d'Etat chargée de la Solidarité, affirmer tranquillement « que l’autisme infantile n’est pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique » (discours 28 Mai 2009**).

Toutefois :

1/ Observer que des désordres psychiques sont accompagnés de modifications cérébrales n’autorise nullement à réduire les premiers aux secondes.

2/ Et même s'il était établi que l’autisme infantile est un « trouble d’origine neurobiologique », on ne voit pas au nom de quoi il faudrait nier qu’il est aussi une maladie psychiatrique.

Des déductions aussi désinvoltes sont même étonnantes de la part de gens qui prétendent parler au nom de la science. On peut regretter que les avancées importantes des neurosciences soient exploitées à des fins partisanes.

Aux tenants des neurosciences qui pensent découvrir la vérité du fonctionnement neuronal (gènes, neurotransmetteurs, imagerie), il convient de citer Hugo (sans même solliciter Heidegger) :

« O science! Absolu qui proscrit l'inouï!
L'exact pris pour le vrai! la plus grande méprise »***

.

Pierre Grégoire (psychiatre)

.

* « Et feignant qu’il y ait une Machine, dont la structure fasse penser, sentir, avoir des perceptions ; on pourra la concevoir agrandie en conservant les mêmes proportions, en sorte qu’on y puisse entrer, comme dans un moulin. Et cela posé, on ne trouvera en la visitant au dedans, que des pièces, qui poussent les unes les autres, et jamais de quoi expliquer une perception. » (Leibniz, Monadologie, 17)

** « C’est pourquoi nous avons fait de l’autisme un axe prioritaire de la formation des professionnels de santé. Ils ont reçu une plaquette leur rappelant les recommandations de la HAS en matière de diagnostic et insistant sur la nécessité de recourir à la classification de l’OMS, qui dit bien que l’autisme n’est pas une maladie psychiatrique, mais un trouble d’origine neurobiologique » (V.Létard Bilan d’étape du plan autisme 2008-2010 : http://www.legislation-psy.com/spip.php?article2181)

Précision: il faut savoir que, contrairement à ce que dit Valérie Létard, la classification internationale des maladies classe toujours l'autisme infantile dans les maladies mentales et troubles du comportement et inclut la psychose infantile dans l'autisme infantile.

*** Hugo Toute la Lyre LXVII Le calcul, c’est l’abîme.

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Commentaires
E
Relance sur Senik: <br /> - Oui, c'est pas mal la bouteille à l'encre que la recherche des "causes premières".<br /> Que ce soit en ce qui concerne ce que l'on nomme (par commodité et efficacité de langage) "les maladies", que ce soit "la" cause du fait que nous sommes là, les uns et les autres, à échanger des points de vues et des vécus sur ce lieu de réflexion et de partages que j'apprécie.<br /> <br /> Chercher à trouver absolument les causes premières a amené à des dérives notoires et des délires induits par des personnes se plaçant sans contrôle en position de thérapeutes (et s'auto proclamant comme tels). Par des personnes prenant position de pouvoir et de main mise manipulatrice sur les "thérapisés".<br /> La "toute puissance" pseudo-rassurante infantile n'est pas bien loin de certaines pratiques... <br /> <br /> En matière d'autisme, outre les savoirs livresques et ce que j'en ai appris professionnellement, l'expérience vécue que j'en ai est celle de l'atteinte d'un petit fils dont le diagnostic assez récent plus précis est celui d'une forme Asperger. Ce petit fils est franco-Canadien est je dois dire qu'outre-atlantique, l'accompagnement de la personne et de l'entourage est sans doute plus élaboré et en tout cas il me semble mieux structuré tout en fonctionnant dans un état d'esprit plus ouvert que par ici. Bien que ce que décrit Paul soit une situation possible aussi là-bas. <br /> <br /> Lors de soins solidaires à apporter pour un bien être aussi accompli qu'il est possible, l'alliance synergique de l'amour et de la rigueur de la science, celle de la bienveillance, de la compassion et celle de la connaissance précise basée sur une expérience réelle, offrent à mon sens une garantie certaine d'efficacité.<br /> <br /> Le plus important dans l'existence, ce ne sont pas les apparences.<br /> La personne, donc humaine, avec ses potentialités, TOUTES ses potentialités, est ce qui prime sur le savoir relatif.<br /> Non ?
S
Tout ce que je m'autoriserai à penser sur cette question complexe qu'est l'interaction de l'organique et du psychique, devra être conforme à votre témoignage. <br /> J'ajoute simplement ceci, qui est trivial , que les soins doivent se mesurer à leur efficacité, même si on ne sait pas s'ils portent sur les causes premières ou sur des causes qui résultent de causes antérieures.
E
Paul nous étions synchrone, pendant que tu écrivais, je le faisais aussi de mon côté.<br /> Ce que tu décris correspond assez bien à l'accaparement des savoirs et leur institutionnalisation. Et, fort d'une expérience ressente d'hospitalisation en raison d'un AVC bulbaire, je donne raison à ta dénonciation d'une certaine déshumanisation des lieux communs où se traitent de manière disparate, quasiment plus des malades mais seulement des symptômes de maladies.<br /> <br /> J'ai connu de près la séparation entre psychiatrie (réputée psychologique) et neurologie (réputée organique). En effet mon grand oncle, frère de mon grand-père était prof de neuropsychiatrie à la fac de Bordeaux.<br /> Il s'est efforcé de maintenir joints, les deux versants d'une approche qui se veut thérapeutique...<br /> <br /> En fait il arrive un moment où deux aspects, deux voies de recherche d'une modalité d'action doivent se séparer; question connue de cycle évolutif. Quand l'un des côté bride l'autre dans sa créativité, dans son inventivité, dans son élan vital qui fait découvrir des champs nouveaux d'investigation, de nouvelles manières d'aborder des problématiques, c'est sans doute le moment de briser la tutelle, de couper le cordon ombilical, de se séparer pour l'envol possible. Désaliéner un mode de recherches et de certitudes "impérialistes" est une bonne chose.<br /> <br /> Il est un autre temps cyclique où il est adéquat et totalement fructueux de jeter des ponts entre ce qui s'est expérimenté de l'un et de l'autre côté de la vérité dans le réel.<br /> De faire le bilan de ce qu'ont apporté comme contribution, l'une ET l'autre des polarités, de vérifier quels objectifs sont atteints ou pas et d'opérer une synthèse.<br /> <br /> Traiter les choses sur le plan organique et spirituel (soit donc en rapport avec l'esprit), regarder le subjectif et l'objectif sans loucher ni écarter l'un ou l'autre, est une juste position.<br /> Elle demande beaucoup de modestie de la part du soignant ou de l'écoutant, et de toujours garder en tête l'idée que sur l'expression, sur le dit du vécu des sujets concernés dans la situation, ce sont les sujets qui trouvent le sens.<br /> l'accompagnant, comme sa désignation l'indique ne peut donc qu'aider la personne à trouver en toute liberté le sens qui est bénéfique pour elle (la personne, pas l'accompagnant !!) à tel moment, dans telles circonstance et non pas le sens communément admis et imposé de manière abusive. <br /> Il doit se contenir dans ce rôle et il se doit de s'en contenter.<br /> Son devoir aussi est de se former -c'est sans fin- en gardant l'esprit à la fois ouvert et strict.<br /> Enfin, sujet de et dans sa propre vie, il se doit de confronter ses convictions avec celles d'autrui, à commencer par celles de ses pairs praticien.<br /> <br /> * Sur la confusion entre cause culturelle (spirituelle, mal de sens) et conséquence organique, il sera utile de lire le livre de Dominique AUBIER : "L'AlZHEIMER Étiologie établie d'urgence sous regard kabbalistique" (Ed. M.L.L. La Bouche du PEL, 2008)
E
... Et non "scientiste"; là, nous somme tous au diapason, je crois: Les quelque chose-ismes sont toujours emprunts au moins potentiellement, d'un soupçon de parti pris exclusivité et d'esprit des chapelles.<br /> Nos concitoyens qui s'en réclament s'appuient souvent sur une interprétation plus ou moins close d'un travail pionner de décryptage du réel qu'il est possible d'intercepter à un moment donné.<br /> Et l'ami Paul qui trace, nous parlant de son expérience vécue en plein, dans la circonstance d'une paternité d'autiste à assurer, aurait pu à ce sujet parler de "Freudistes", les "freudiens" étant alors considérées en tant que des personnes se réclamant des freudismes et basant leur pratique sur l'un de ces freudismes. Ceci dit, Paul, j'ai parfaitement entendu ce dont tu parles !!<br /> Je précise tout de suite que le terme "freudiens" peut aussi désigner une tout autre catégorie de praticiens dont Y.L. à l'évidence : Ceux qui appuient leur pratique d'accompagnement sur une démarche ouverte par Sigmund Freud, sans la figer dans une dogmatique, dans justement un quelconque "freudisme".<br /> <br /> Pour autant, trêve de -ismes, l'heure est aux réconciliations, ou, mieux exprimé : Aux conciliations, aux unions des apparents contraires et, comme j'y insiste sur plusieurs thèmes de ce blog, à la prise en considération et compte des deux côtés d'une vérité une. <br /> Il est temps de se rendre compte, par exemple que le "triomphe" ne sera, à l'exclusive, ni celui du seul socialisme, ni celui du seul capitalisme et/ou du libéralisme, ni celui de l'obscurantisme ni celui du scientisme, ni celui des "occidentalismes" ni celui des "islamismes"...<br /> 1- Pour commencer, il est un impératif : Celui d'apprendre à regarder en pleine face de l'autre côté et l'éclairer avec une lumière épurée de la réactivité habituelle de ces fameux -ismes.<br /> 2- Il faut aussi savoir accepter d'aller voir dans nos propres zones d'ombre ou de pénombre qui sont en général celles que nous révèlent l'autre bord.<br /> 3- Enfin me semble-t-il, il y a lieu tout en étant intransigeant avec la rigueur et tranchant avec les absurdités, de ne pas tomber dans l'exclusivisme.<br /> <br /> 4- le dialogue (le logos entre deux) est à mettre en avant.<br /> À ce le docteur T. Janssen (*) nous indique avec force une leçon tirée de son expérience : Entre l'un et l'autre, dans une rencontre voire une confrontation d'idées et de pratiques ce n'est pas l'un, ce n'est pas l'autre qui priment qui ont la plus forte importance, mais et.<br /> <br /> L'objectivité scientifique, comme le formule bien YL - "La méthode scientifique (...) tente d'écarter la subjectivité de l'observateur"- , ne peut pas réellement mettre le sujet à l'écart de tout élément "objectivable" de la vie. <br /> <br /> * "LA MALADIE A-T-ELLE UN SENS ? Enquête au-delà des croyances" (Fayard, 2008)et "LA SOLUTION INTÉRIEURE Vers un nouvelle médecine du corps et de l'esprit" (Fayard, 2006)
P
Le bilan global n'est pas bi-annuel, mais a lieu une fois tout les deux ans.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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