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vive les sociétés modernes - abécédaire
13 avril 2015

Y comme Yoga (une sagesse pour l'homme moderne)

 

           En Inde, le terme de yoga a servi à qualifier de nombreuses démarches et a pris très tôt le sens général de discipline, ascèse, voie de libération. L’un des grands textes de sagesse hindous, la Bhagavad Gîtâ, lui donne le sens de "discipline unitive", ce qui rejoint l'étymologie du terme dont la racine signifie : joug, jonction.

            La tradition indienne distingue plusieurs grands types de yoga.

- Des yogas à dominante psychologique, spirituelle : le karma-yoga qui est un yoga de l'action désintéressée, demandant d'agir en se détachant des fruits de l'action, le bhakti-yoga qui est un yoga de l'amour, de l'union à une divinité, et le jnâna-yoga qui est un yoga de la connaissance, visant à la purification de la conscience.

- Des yogas à dominante physique, corporelle : le hatha-yoga qui insiste sur les postures et l’éducation du souffle, le nâda-yoga qui utilise les sons, les mantras, le kundalini yoga qui met en jeu des pratiques utilisant l’énergie sexuelle.

            Il n'y a pas de frontières bien définies entre tous ces yogas qui comportent chacun plusieurs écoles. La Bhagavad Gîtâ donne des textes qui s'apparentent à tous et de grands maîtres indiens les ont rapprochés. Vivekananda, au XIXe siècle,  et Aurobindo au XXe, ont même proposé une synthèse des grands yogas.

Avant eux toutefois, vers le IVe siècle, un compilateur de génie, Patanjali, a présenté, dans un sûtra, un yoga royal (râja-yoga) qui reprend des enseignements plus anciens. Celui-ci comprend huit branches induisant une alchimie transformatrice qui conduit le yogi à la liberté et à la paix. Il préconise un ensemble de vertus restrictives (la non violence, la véracité, l’abstention de vol, la non division, la non appropriation), un ensemble de vertus constructives ( la pureté, le contentement, la pratique ardente, l’étude de soi, l’abandon au divin), la mise en place de postures corporelles, l’éducation du souffle, l’intériorisation, la concentration, la méditation et la contemplation.

            Le yoga, en tant que discipline systématisée, a fini par recueillir toutes les grandes tendances de la spiritualité indienne et a contribué à les faire rayonner dans tous les secteurs de la culture hindoue. Aujourd'hui, c'est encore lui qui les véhicule chez nous à travers des pratiques psycho-corporelles issues du hatha-yoga. Ces pratiques, apparentées à une gymnastique douce, sont bénéfiques pour l’équilibre physique et psychique des pratiquants, mais elles font souvent l’impasse sur la dimension éthique et la finalité spirituelle qui sont pourtant essentielles au yoga.

            Le visage que celui-ci présente aujourd'hui a puisé chez les maîtres indiens mais a aussi évolué en s’adaptant et s’assouplissant. Quel est-il ? Ysé Tardan Masquelier, l’une des responsables de l'École française de yoga, écrit :

« L'époque actuelle voit un partage plus précis entre un yoga authentique, fidèle à l'esprit de ses sources, et des dérives parfois pathologiques dues à une mauvaise information, à la crédulité, à des tendances sectaires, au goût du pouvoir. Dans le secteur du yoga authentique, sérieux, les enseignants se considèrent de plus en plus comme des professionnels, organisés en fédérations qui supervisent leurs programmes de formation. Groupes de recherches, séminaires et journées d'études leur permettent de faire avancer une réflexion scientifique, psychologique et médicale sur les effets du yoga. Cette orientation récente, dit-elle, issue des investigations modernes, donne au yoga une nouvelle armature théorique qui devrait permettre d'en conserver le sens initial : une discipline spirituelle à médiation corporelle."[1]

Dans l'époque consumériste, violente et un peu déboussolée que nous connaissons, le yoga se présente comme une voie d'équilibre, de sagesse. Il montre qu'est possible un mode de vie plus lucide, plus apaisé que celui que tend à nous imposer notre société, une manière d'être qui réconcilie en nous le corps et l'esprit, le monde intérieur et l'extérieur, l'environnement relationnel et la nature cosmique. Il propose des pratiques concrètes pour réveiller et recentrer ses énergies, assouplir ses membres, fluidifier ses gestes, calmer son mental, et, ce faisant y voir plus clair pour agir et s’ouvrir à une solidarité, à une compassion. Ce qu'il propose enfin, et ce n'est pas la moindre des choses par les temps qui courent, c'est "shanti" : la paix.

 

Alain Delaye, docteur en théologie et ancien élève de l’École biblique de Jérusalem.

 

Bibliographie :

- Delaye Alain, Aux sources du yoga, le raja yoga de Patanjali, Almora, 2014.

- Tardan-Masquelier Ysé, L'esprit du yoga, Albin Michel, 2005. Réédition en poche, 2014.

- Silvia Ceccomori, Cent ans de Yoga en France, Edidit, 2001.

 



[1]  Le yoga dont elle parle est pratiqué dans le cadre de la Fédération Nationale des Enseignants de Yoga (FNEY) qui a un site sur le Net : www.lemondeduyoga.org

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Commentaires
Y
On a connu la même situation en psychanalyse avec le champ des maladies "psycho-somatiques", qui n'était, en fait, qu'un champ d'ignorance la la médecine d'alors, celui des maladies auto-immunes. Beaucoup de services hospitaliers de médecine avaient un psychanalyste attaché pour la prise en charge de ces cas.<br /> <br /> "On" avait aussi placé, dans ce champ-là, l'ulcère de l'estomac, jusqu'à ce qu'on découvre qu'une bactérie particulière en était responsable.
P
Je vois le reportage "Planet Yoga" (Arte 2013):<br /> <br /> <br /> <br /> séquence au Canada sur des femmes atteintes d'un cancer du sein; elles reçoivent l'aide précieuse d'un maître de yoga; mais à entendre le commentaire c'est à lui qu'elles doivent de continuer de vivre, à son savoir que "l'Occident a oublié"... Et les cancérologues qui les soignent, c'est rien ça?
Y
On rattache encore souvent un théologien à la religion qu'il étudie, dans le cadre de sa foi. Il me semble qu'il devrait être possible de dissocier la foi et l'intérêt pour cette spécificité humaine qu'est le "mode de penser religieux"*. Il est encore d'actualité qu'un théologien qui se met à douter de la religion qu'il analyse, se fait pousser dehors par les autorités religieuses concernées.<br /> <br /> Quant à être "à cheval" sur deux religions qui ont des ressemblances, est, pour la même raison de Vérité d'une religion, inconfortable et mal vu.<br /> <br /> Il est vrai, aussi, que l'absence ou la perte de foi fait tomber l'intérêt pour les subtilités de la construction .<br /> <br /> *Définition proposée par Élisabeth Bizouard-Reicher, psychologue et philosophe, qui nous a quittés en 2005.
P
Le moine Henri Le Saux s'installa en Inde et, devenu Abhishiktananda, consacra toute sa vie à la conciliation du christianisme et de la spiritualité indienne. Ce ne fut pas sans de terribles conflits intérieurs et il n'y parvint jamais totalement.
P
Alain Delaye est docteur en théologie et je ne peux m'empêcher de me demander comment se concilie pour lui spiritualité indienne et christianisme: "la liberté et la paix", buts du yogi selon Patanjali, sont-elles aussi le but du chrétien? Et la souffrance de Jésus?
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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