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vive les sociétés modernes - abécédaire
21 décembre 2007

F comme Fantasme

Le fantasme est il le propre de l’homme ? Par ses fonctions d’anticipation et de préparation mentale des actes, il est proche des manifestations observables du comportement intentionnel de beaucoup d’espèces animales.

Mais la part spécifiquement humaine de ce travail de l’imaginaire , la construction d’histoires, agréables, avantageuses, sans contradictions ni aléas, ou au contraire tristes, persécutives, vengeresses, est bien  à nous. Nous en sommes d’autant plus sûrs que le contraire ne nous plairait pas.

Le fantasme est une activité intime, auto-centrée. Le moi est l’auteur du scénario  et le metteur en scène. Mais il choisit un partenaire, très habituellement un autre humain, dont il connaît l’essentiel suffisamment pour ne pas le confondre avec lui-même. Cet autre est « son » objet. D’amour, le plus souvent. De haine, quelquefois. Les sentiments réels éprouvés pour cet « autre »connu sont évidemment déterminants. Alors que dans le rêve, où le moi se projette dans les personnages qu’il y introduit, les sentiments peuvent être inversés.

Au contraire du rêve encore, le fantasme permet la construction d’une histoire cohérente, qui aboutit à la conclusion recherchée. Elle ne nécessite, par elle même, aucune interprétation. Sa structure est simple, limpide,. Elle ne change pas en fonction des variantes que l’auteur peut apporter en fonction des observations qu’il fait de l’autre réel.

La faiblesse du fantasme, c’est sa fragilité à l’occasion de sa mise en actes. Il n’y résiste pas, la plupart du temps. Aussi, beaucoup d’auteur(e)s, ne s’y risquent pas. Ils (ou elles) finissent par ranger l’histoire dans un coin de leur mémoire, et passer à une autre, la même. Avec un autre objet.

Nos contemporains fantasment-ils plus que leurs ancêtres ? La société est-elle plus permissive ?  Pas de manière intentionnelle. Ce n’est écrit nulle part. Mais son état, la diminution du temps de travail, la disparition des risques et des exigences vitaux, la place faite à l’information, à la fantaisie, la prévalence des droits sur les devoirs, mettent à la disposition des citoyens le temps et la matière à fantasmer.

Le mot ,« fantasme », est parfois utilisé pour nommer des phénomènes collectifs : rumeurs, peurs collectives et irraisonnées. Les sujets qui partagent ces « fantasmes » n’en sont pas les auteurs, mais les récepteurs.

On ne peut rien sur le sort des mots.   

Yves Leclercq (psychanalyste)

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Commentaires
Y
Oui, on peut, puisque le moi (de la mère qui veut qu'on lui fasse droit) se fait auteur et metteur en scène de tout le scénario qui doit aboutir à une naissance hors normes. Elle se fait objet de géniteurs virtuels qui sont ses objets réels...à leur insu. L'enfant, lui, si sa naissance concrétise son consentement, est on ne peut plus son objet.<br /> Ce qu'a profondément changé le double développement de la contraception et de la procréation médicalement assistée, c'est le recentrement sur la seule mère, de la liberté et du droit à enfanter. Un droit sans obligation, autre que celles envers l'enfant, et aussi, formellement, envers le père, s'il le fait valoir.
P
les progrès des biotechnologies, notamment dans le domaine de la procréation,ont fait apparaître de nouvelles revendications: clonage, enfantement après ménopause, recherche de la "perfection" génétique (grâce à la FIV)...Peut-on, doit-on parler de fantasmes?
Y
J'ai volontairement évité d'évoquer le fantasme inconscient, parce qu'en dehors de la situation psychanalytique, il est rarement décrypté. Il est niché au coeur de la compulsion de répétition, et s'est façonné dans l'enfance, à partir de ce qui est compris de la "normalité" incarnée par les parents. La mise en actes de la compulsion de répétition est rarement vécue, sauf dans l'après-coup, comme une production de l'imaginaire, mais comme une nécessité indiscutable.<br /> Le fantasme conscient que j'ai décrit peut se passer de mise en actes. Il ne s'en porte que mieux.<br /> Quant à l'usage "collectif " du mot j'y vois l'inconvénient de toute confusion.
P
A la fin de votre texte vous évoquez un emploi fâcheux, bien que probablement inévitable, du terme "fantasme": pour désigner des rumeurs, des peurs collectives irraisonnées. On comprend fort bien, à partir de votre desciption du fantasme, en quoi cet emploi est théoriquement problématique; ce qu'on perçoit moins bien c'est pourquoi il faudrait éventuellement s'en inquiéter.<br /> Merci.
V
Je n'ai pas le temps d'entrer profondément dans la question, mais la lecture rapide de ce billet et de ses commentaires m'incite à rappeller la chose suivante: si le mot "fantasme" concerne le vocabulaire psychanalytique, celui-ci ne saurait être confondu avec la "rêverie" ordinaire, qui elle, aurait besoin effectivement de "temps libre". Le fantasme dans ce sens spécifique est essentiellement inconscient et donc indépendant de la volonté ou de la participation consciente du sujet. Quant aux mythes et légendes, s'ils ne sont pas des fantasmes, stricto sensu, ceux-ci (surtout les fantasmes qu'on appelle "originaires" et qui sont en rapport avec la notion de l'archaïque)s'y manifestent d'une manière très parlante. Il ne faut pas oublier que les mythes sont un matériel précieux pour les psychanalystes, qui y étudient les mécanismes inconscients à l'oeuvre.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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