pluralisme politique
Aujourd'hui être démocrate consiste non seulement à accepter la pluralité des partis politiques mais le fait que la légitimité n'est le monopole d'aucun d'entre eux en particulier. Dans les pays démocratiques, la compétition pour le pouvoir se déroule entre plusieurs partis également légitimes, et cette compétition est tranchée, pour un temps, par les élections.
Ces caractéristiques auxquelles nous sommes habitués, et qui peuvent même nous apparaître comme évidentes, sont pourtant relativement nouvelles.
Jusqu'à une date récente ( les partis politiques ne seront reconnus en France qu'à partir de 1901) la démocratie a été associée non au pluralisme politique mais à l'unanimité (il en fut autrement en Angleterre). C'était notamment le cas au moment de la Révolution Française, qui s'est caractérisée, entre autres choses, par sa "vision moniste du politique" (Rosanvallon). Selon cette vision :
1- La société nouvelle, issue de la Révolution, doit être une société unifiée, ce qui n'est pas durablement compatible avec une pluralité de "partis politiques". L'Assemblée Constituante d'ailleurs le 30 juin 1791, à la veille de sa séparation en septembre, proclame leur illégalité en votant ce dernier décret : " Nulle société, club, association de citoyens ne peuvent avoir sous aucune forme une existence politique". La pluralité des "partis" ne saurait donc être, en tout état de cause, que temporaire: tant que la Révolution n'est pas achevée. Cette vision moniste ou unanimiste de la vie politique est développée par des hommes de toutes les sensibilités : par Le Chapelier (rapporteur du décret ci-dessus et auteur le la loi abolissant les corporations) comme par Robespierre ("pas de liberté pour les ennemis de la liberté").
2- Dans cette société nouvelle et unifiée, seul le peuple mérite d'être représenté, seuls les représentants du Tiers-Etat sont légitimes.
Tel est le sens du fameux : "ainsi qu'est ce que le Tiers? Tout." de l'abbé Sieyes. Cela revient à exclure de la nation et donc de sa représentation "tout ce qui n'est pas Tiers", à commencer par la noblesse . " Il n'est pas possible, dans le nombre de toutes les parties élémentaires d'une nation, de trouver où placer la caste des nobles". (Qu'est-ce que le Tiers-Etat?)
Tel est aussi le sens de la fraternité selon Saint-Just : celle-ci ne consiste pas à considérer comme des frères tous ceux qui participent de la même nation mais à affirmer qu'on ne peut faire une nation qu'avec des frères : or les privilégiés ne sont pas nos frères!
C'est dire encore que pour les Révolutionnaires il n'y a pas d'adversaires politiques mais uniquement des ennemis ; et il en sera ainsi tout au long du 19ième siècle.
Nous venons de là; il n'est donc pas étonnant qu'aujourd'hui encore, lors des compétitions électorales, nous ayons parfois du mal à admettre la légitimité de nos adversaires, surtout s'ils sortent vainqueurs de la compétition.
PS: voir P.Rosanvallon Les institutions de l'intérêt général : la démocratie du XXIe siècle (cours au Collège de France)