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vive les sociétés modernes - abécédaire
12 novembre 2006

Eloge des sociétés contemporaines (5): le tiers-monde

Objection 2 : le tiers monde

On objectera que nous avons acquis notre bien-être au détriment du reste du monde, par la colonisation et le pillage des pays du Sud. Cet argument mérite plusieurs réponses. Notons d'abord qu'on ne peut affirmer à la fois et sans contradiction que nous devons notre bien-être à l'exploitation des pays du Sud et que ce bien-être est une pure illusion ! Mais au-delà de cet aspect rhétorique, dans quelle mesure une telle description de la colonisation est-elle exacte ? C'est là sans aucun doute une question décisive : il n'est nullement indifférent de savoir si les sociétés occidentales ont constitué leur richesse au détriment du Tiers-monde et si elles continuent de le faire. Or, aujourd'hui, une réponse nuancée semble s'imposer. Si on se reporte aux analyses de Paul Bairoch, dont les travaux historiques sur ce point font autorité, le bilan économique de la colonisation doit être dressé à partir des deux faits suivants :

   d'une part " l'expansion coloniale occidentale est un élément primordial, toutefois pas unique, dans l'explication des chances manquées par le Tiers-Monde au XIXe siècle " (de participer au développement économique parti d'Angleterre au XVIIIe et qui s'était étendu de proche en proche aux autres pays occidentaux). Trois obstacles naturels handicapaient celui-ci pour bénéficier de la révolution commencée en Europe : l'éloignement géographique, la densité de peuplement et surtout la différence climatique. Ils rendaient très difficile le transfert spontané de semences, animaux domestiques et techniques de cultures améliorées, qui ont été l'essence de la révolution agricole, base de la révolution industrielle en Occident La colonisation a fait le reste : en réduisant l'économie des pays colonisés à l'exportation des matières premières brutes, elle leur a causé, " d'ailleurs non volontairement dans la plupart des cas ", des dommages irréparables. Ce préjudice majeur est avéré historiquement pour tous les pays colonisés, d'Amérique du sud, d'Afrique ou d'Asie.

   D'autre part, " les bénéfices retirés par l'Occident de cette aventure coloniale ont été très faibles et sans commune mesure avec les dommages qu'elle a occasionnés. " Ainsi le démarrage de la révolution industrielle a-t-il été indépendant en Angleterre, comme dans la plupart des autres pays occidentaux, de la colonisation. Et si, par ailleurs, on compare les croissances économiques au XIXe siècle, on est obligé de remarquer que ce sont les pays non colonialistes (Allemagne, Belgique, Suisse, Suède, Tchécoslovaquie, USA) qui ont connu le développement le plus rapide. " La corrélation est presque parfaite " : la Belgique devenue puissance coloniale a vu sa croissance se ralentir sensiblement ; les Pays-Bas l'ont vue s'accélérer avec la perte de leur empire. Quant aux USA ils avaient atteint le plus haut niveau de vie du monde dès 1910, c'est à dire avant qu'ils ne commencent à exercer une emprise néo-coloniale sur le Tiers-Monde ; leur succès est dû essentiellement au niveau technique élevé de leur population joint à un vaste territoire aussi riche sur le plan agricole que minier. " Aujourd'hui, ajoute Bairoch, une autarcie complète des Etats-Unis vis à vis du Tiers-Monde (importations et rapatriement des bénéfices) n'entraînerait probablement pas de réduction du niveau de vie par habitant supérieure au gain réalisé en moyenne en six mois... "

Il résulte de ces analyses que le sentiment d'une dette à l'égard des pays du Sud est parfaitement justifié: le préjudice n'est pas lié au bénéfice réalisé mais au dommage causé. Même si, comme le dit encore Bairoch, " au cours de l'histoire un grand nombre de civilisations ont à maintes reprises causé d'énormes torts à d'autres civilisations moins fortes militairement sans songer jamais par la suite à d'éventuelles réparations [...], une injustice passée ne peut servir d'excuse à une iniquité présente " (surtout quand on se prétend civilisés). En revanche l'idée selon laquelle nous ne pourrions pas être fiers de notre bien-être (et de la possiblité qu'il offre à la grande majorité d'entre nous d'avoir une existence personnelle) parce qu'il serait dû pour une large part au pillage d'autrui n'est pas justifiée : la prospérité des sociétés modernes est bien essentiellement leur œuvre.

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Commentaires
P
Je ne pense nullement que la présence économique de la France en Afrique ( dans le but donc de réaliser des profits) soit un mythe.Je crois même que cette présence s'est traduite par un certain nombre de pillages, pour lesquels nous avons donc contracté une dette à l'égard de certains pays africains. Ce que je voulais toutefois dire c’est que cette présence n’est pas pour autant la source principale de notre (relative) prospérité économique. Que celle-ci provient principalement des efforts et de l'inventivité des générations passées.<br /> Amicalement.
T
parce qu'il serait dû pour une large part au pillage d'autrui n'est pas justifiée : la prospérité des sociétés modernes est bien essentiellement leur œuvre<br /> <br /> comment expliquez vous la présence de la france (par exemple)<br /> en afrique de l'ouest via des entreprises<br /> tel que total esso etc <br /> <br /> avez vous deja entendu parlez de la franceafrique<br /> je ne pense pas que ca soit un mythe
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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