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vive les sociétés modernes - abécédaire
25 février 2015

Y comme Yahvé (à propos du monothéisme)


"Yahvé" est avant tout l'une des diverses transcriptions du nom du dieu du récit biblique de la "Sortie d'Egypte".
Cf : Exode 20,3 :
"Moi Je suis "Yahvé" ton dieu, qui t'ai fait sortir de la terre d'Egypte (Mitz'hayim : avec un jeu de mots sur  "mi" :  de, "tzar" - l'angoisse, en hébreu) de la maison des esclaves ".

Rappelons que ce nom est un mot dans un texte qui lui confère son sens : on ne peut pas enjamber le texte pour aller chercher une idole ailleurs, qu'il désignerait hors-contexte.
Ce nom désigne donc précisément - et universellement  puisqu'il est écrit, communicable et transhistorique - l'expérience d'une délivrance.

C'est l'émotion par exemple de l'otage libéré à sa descente d'avion, comme Serge Lazarevic (le bien-nommé !), retour du Mali, récemment à Villacoublay; et  comme le puissant récit de Chalamov contemplant avec ivresse l'eau verte d'une rivière de Sibérie à sa sortie des camps; - ou comme les refuzniks atterrissant à Lod naguère, tels que Claude Lanzmann les filme dans "Pourquoi Israël ?".
Israël, cette "vraie patrie d'accueil" comme l'écrit Céline à la fin de  Rigodon, son dernier livre, soudain converti comme le Pharaon du Midrach ou un personnage de Tolstoi,  à la veille de sa mort.
-Comme ce terroriste japonais d'extrême-gauche qui, après avoir précisément mitraillé l'aéroport de Lod, jugea bon, en prison, de se circoncire avec une petite cuillère...

 Le nom de ce dieu provient, selon les archéologues comme André Lemaire, du toponyme d'une petite hauteur du Néguev, situé au -13ème siècle  comme un "intermont" entre  les oppressions des deux immenses empires égyptien et babylonien, comme le soupir d'une petite peuplade de semi-nomades prise en étau et révoltée contre l"oppression de l'homme par l'homme : "Je vous ai choisis parce que vous êtes le plus petit des peuples", dit le Deutéronome.
Ce goût de la liberté est présenté dans le récit de Genèse 2 où Yahveh Elohim insuffle un souffle de vie dans les narines de l'Homme (Adam), créé de la poussière du sol (adamah).
Respirer, c'est la métonymie universelle de la liberté et de la "spiritualité", le premier sens du mot psyché. Cette révolte minuscule du -13 ème siècle, dans "le plus petit canton de l'univers", dit Voltaire avec une malveillance qui se retourne contre lui, ouvre un  angle vers un élargissement infini, une subversion durable des oppressions - qui vient d'obliger les censeurs marocains et autres à interdire frileusement la diffusion du péplum de Ridley Scott, pourtant tourné en partie au Maroc même !
  C'est sans doute le pressentiment de ce que leur petit dieu du désert, inconnu du savant Pharaon d'Exode 5, était un dieu d'immense avenir, qui explique l'audace et le culot (la 'houtspa" en yiddish) des rédacteurs de Genèse 2, qui associent ce dieu qui souffle dans les narines de l'Homme, aux Puissances créatrices du Ciel et de la Terre : Elohim.
  Mon dieu est le dieu de tout et de tous, non de ce que j'aspirerais à la domination;  mais de ce que le souffle de vie de celui qui réchappe de l'oppression porte en lui de quoi venir à bout des plus pesantes forces de mort : comme la fronde de David projetant le caillou d'Israël à travers les millénaires dans la botte de chaque tyran.
Comme Machiavel le rappelle (lui dont la référence principale est Moïse), un peuple qui a connu la liberté ne se laissera plus dominer.

 Et ce dieu implique un monothéisme exclusif : "tu ne mettras pas d'autres dieux devant ma face". C'est un dieu "jaloux", car tout autre dieu décentrerait la visée centrale de la liberté humaine selon ses trois dimensions :
1- d'affirmation première inconditionnée : le souffle de vie insufflé de Genèse 2.
2- de contestation radicale de l'oppression. (cf Ecclésiaste Ch 4).
3- d'invitation à bâtir un monde libre d'hommes libres (cf le fameux verset du Deutéronome :
"'Je t'ai donné  le choix entre la vie et la mort, choisis la vie afin de vivre, toi et ta descendance").

"Yahvé" est le nom du dieu unique, celui de la liberté qui délivre asservis et opprimés avec l'aide de ses fidèles débout:
"(Si) vous êtes mon peuple, (alors) Je suis votre dieu" (Deutéronome).

12/2/15
Claude Birman, philosophe et spécialiste de la pensée juive (Caïn et Abel, aux origines de la violence, Grasset)

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Commentaires
Y
Ce serait surtout, en particulier pour les juifs, un sacrilège. Comme vous le soulignez, il n'y a pas d'illusions à se faire sur notre espèce.
P
"Beaucoup de chrétiens aimeraient sortir ce livre (le Livre de Josué relatant la conquête meurtrière de Canaan) de la Bible. Mais c’est une bien mauvaise solution. La violence fait partie de l'existence humaine et il faut en parler. Certes, le livre de Josué a été utilisé pour justifier, entre autres, l’institution de l'esclavage. Mais lorsque les esclaves, évangélisés de force, entendirent l'histoire de la conquête de Jéricho, ils la comprirent comme un récit de libération et ils se mirent à chanter « Joshua fight the battle of Jericho » . Ainsi, un récit utilisé par des oppresseurs se retourne contre les oppresseurs et se transforme en une parabole de la libération qui est le propre du Dieu biblique." (Thomas Römer, Collège de France, Chaire Milieux bibliques)
Y
L'ancien testament n'est pas un livre d'histoire, mais un mythe fondateur. On ne peut pas le "prendre au mot". Il comprend cependant des récits de batailles, de massacres, commis au nom de Yahvé, pour sa cause. Les diverses occupations subies ont provoqué des actes de résistance, ou des révoltes réprimées dans le sang. La dernière, contre les Romains, postérieure à la fondation du christianisme, a été suivie par une terrible répression, une expulsion générale, et la destruction du second temple.<br /> <br /> Les religieux ont interprété cette catastrophe comme la punition divine d'un manquement grave et collectif à la Loi. C'est peut être l'explication de cette "horreur absolue du sang". Qui a pris fin avec la lutte pour la création de l'État d'Israël, contre le mandataire anglais, revenu sur sa parole, et les arabes, naturellement hostiles. <br /> <br /> Les combattants ont puisé dans le Livre de l'Exode et la campagne de conquête de Josué (légendaire) leur armement moral (cf les récits de Charles Enderlin)
J
Moïse descend de la montagne où il a passé 40 jours et 40 nuits auprès de Yahvé, il en redescend avec dans les bras les deux tables de la loi dont le commandement qui dit "tu ne tueras point".<br /> <br /> Il constate que les juifs prêtent un culte au taureau (petit veau d'or). Or cela est interdit.<br /> <br /> Il ordonne à sa tribu de tuer les coupables : 3000 personnes !<br /> <br /> un massacre! <br /> <br /> Comment peut-on tenir cet homme pour un messager de Dieu? Où est le dieu qui délivre?<br /> <br /> Je comprends le rejet de Simone Weil.<br /> <br /> <br /> <br /> jlr
G
Dans l'article cité par Pierre Gautier, Emmanuel Lévinas écrivait aussi: "L'extraordinaire c'est que la conscience juive formée au contact de cette dure morale avec obligations et sanctions y a appris l'horreur absolue du sang". "Extraordinaire" et même franchement énigmatique pour moi
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