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vive les sociétés modernes - abécédaire
15 juin 2014

V comme Votations

A. Définition

Souvent confondue avec celle de référendum, la notion de votation, qui est propre au régime de la démocratie semi directe, obéit à une définition précise : il s’agit d’un scrutin officiel dans lequel les citoyens actifs répondent à la majorité à une question déterminée, par une décision obligatoire. C’est dire que quatre éléments sont présents.

Avant tout, c’est l’organe de suffrage qui se prononce, exerçant ainsi un pouvoir étatique, généralement suprême.

Ensuite, la votation porte sur un objet précis et appelle le peuple à répondre par oui ou par non à la question s’il accepte le projet présenté soit par le Parlement soit par la voie de l’initiative populaire.

Puis la décision se prend à la majorité, normalement absolue, puisqu’il y a seulement deux manières de s’exprimer valablement et que les bulletins blancs ou nuls ne comptent pas.

Enfin, la votation a des effets obligatoires, en ce sens qu’elle permet ou au contraire empêche la mise en vigueur du projet litigieux et qu’elle implique une décision qui s’impose à toutes les autres autorités de l’Etat.

Il saute aux yeux que la votation se distingue nettement de l’élection, puisqu’elle porte sur un point concret, tandis que l’élection revient à choisir entre des partis et des candidats dont le programme est plus ou moins vague et les promesses incertaines. La votation, qui est un acte concret, diverge aussi du référendum qui se caractérise comme un droit reconnu à l’ensemble du peuple de se prononcer sur un texte donné

Si la votation consiste en une série d’actes matériels et n’est donc pas en elle-même un droit à proprement parler, elle a cependant des effets juridiques contraignants et ne doit pas être confondue avec une simple consultation des citoyens ni, à plus forte raison, avec un sondage. Par la votation, le peuple n’exprime pas seulement une opinion, il prend une véritable décision.

 

B. Les principes

Les multiples opérations qui sont nécessaires à toute votation obéissent nécessairement à des règles strictes, qui garantissent la régularité des scrutins et lui donnent sa légitimité démocratique. Deux principes gouvernent la matière.

Le premier est celui de la majorité, qui découle naturellement du précepte d’égalité et signifie que tous les bulletins ont le même poids. C’est dire que la décision dépend de l’addition des oui et des non, la pluralité devant prévaloir.

Ce résultat n’a cependant de valeur que s’il correspond à la volonté véritable du plus grand nombre. Voilà pourquoi un second principe s’impose : la liberté de vote. Celle-ci, à son tour, a une triple portée. Elle exige d’abord le secret du vote, qui empêche les intimidations et que garantissent diverses formalités : le citoyen doit s’exprimer à la main, seulement par oui ou par non, sur un bulletin officiel et dans des circonstances qui sauvegardent la confidentialité. Puis la loi exige presque toujours la participation personnelle au scrutin, les citoyens étant inscrits dans un registre des électeurs et devant soit déposer eux-mêmes leur bulletin dans l’urne soit voter par correspondance, le système des procurations étant généralement banni en raison des dangers qu’il engendre. Enfin, la liberté du vote suppose que chaque citoyen prenne sa décision lui-même, à l’abri des pressions. Cette dernière exigence est à la fois la plus importante et la plus difficile à satisfaire. Aussi mérite-t-elle un petit développement.

La qualité des scrutins populaires propres à la démocratie semi-directe dépend pour une large part de la valeur des informations que reçoit le peuple,  autrement dit de la campagne qui conduit au scrutin. Celui-ci est nécessairement précédé par un affrontement entre les opposants et les partisans du projet. A cette confrontation s’ajoute le rôle naturel des autorités étatiques qui sont appelées à informer les citoyens en expliquant l’objet et la portée de la votation, voire en prenant elles-mêmes position. C’est dire que, pour garantir une décision populaire prise à bon escient, il faut réunir plusieurs conditions. Chaque électeur recevra le texte complet de l’objet de la votation assez tôt pour être à même d’y réfléchir. L’organe étatique compétent, c’est-à-dire directement concerné, publiera un message officiel, qui contient des explications claires, aussi complètes que possible et objectives ; une place sera faite à l’avis d’importantes minorités, notamment du comité de référendum ou d’initiative populaire. Les organes des collectivités publiques qui ne sont pas immédiatement touchées par le vote s’abstiendront de toute propagande. Les simples particuliers, qui ont naturellement vocation à s’exprimer, bénéficient d’une liberté plus étendue, dès lors qu’il serait vain de prohiber les excès ou même les tromperies. Cependant, la presse écrite ou parlée, devrait s’abstenir de diffuser sciemment des renseignements  inexacts, car on attend d’elle une certaine rigueur, voire une impartialité relative.

Lorsque ces règles formelles et matérielles ne sont pas respectées, leur violation peut entraîner l’annulation de la votation par les tribunaux. Cependant un jugement aussi grave se conçoit seulement s’il est démontré que l’issue même du scrutin a été faussée par de graves irrégularités. Il faut, autrement dit, que l’écart entre les oui et les non soit très faible et que les vices constatés aient pu vraisemblablement avoir sur l’expression de la volonté populaire une influence déterminante.

 

Etienne Grisel, professeur honoraire de l'Université de Lausanne.

 

 

 

 

 

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Commentaires
Y
Il n'y a pas de "génie national" des suisses mais une empreinte de la géographie sur laquelle leur histoire s'est inscrite. Ils ont connu des "forces centrifuges", des guerres "civiles", mais finalement, le grand mouvement de formation des nations les a concernés. De terre pauvre et d'émigration, ils sont devenus un peuple industrieux, et riche, grâce à leur neutralité. Les envahisseurs possibles (les allemands ont occupé des territoires européens aussi difficiles) ont vu un avantage à cette neutralité.<br /> <br /> Je persiste à penser que leur système de votation, souvent critiqué pour les "objets" soumis au vote, n'est pas transposable à la France. Je me limite à notre nation.
P
Bonjour, <br /> <br /> <br /> <br /> Je vous prie d’excuser cette réponse très retardée, mais votre message s’est perdu dans le flot quotidien qui inonde nos boîtes aux lettres électroniques…<br /> <br /> En regardant rapidement le débat qui s’est installé sur votre site, je constate que la question est redevenue, comme souvent, de savoir si le système suisse est exportable, et en particulier à la France. Je fais partie de ceux qui pensent que la démocratie directe n’est pas liée à une sorte de génie national dont par miracle seuls les Suisses auraient été pourvus, et qu’elle pourrait donc fort bien être utilisée ailleurs. Ses effets seraient différents car les sociétés concernées le sont aussi, il suffit de mesurer l’écart entre les pratiques suisse et californienne en matière référendaire pour s’en convaincre.<br /> <br /> <br /> <br /> Antoine Chollet (Université de Lausanne, auteur de "Défendre la démocratie directe")
Y
L'essentiel est que notre démocratie ait un avenir! On a pu observer qu'elle doit être défendue jour après jour, car il arrive au même rythme que des pensées totalitaires caressent le projet de s'en emparer....pour le bien de tous, bien sûr. L'idée de posséder la Vérité valable pour tous est très répandue, et la Vérité, diverse en conséquence.<br /> <br /> Les démocraties représentatives, dotées d'institutions juridiques, sont plus résistantes , et c'est ce qui leur vaut des critiques.
S
Ce que je trouve excellent, c'est que les réformes discutées qui ne sont pas idéologiques ne soient pas gravées dans le marbre: on les teste, le public concerné les évalue, et on en tire la conclusion. <br /> <br /> Pour les grandes questions controversées qui engagent l'avenir, mais qui dépassent la compétence de l'électeur lambda, une solution serait d'avoir des juges compétents et neutres et compétents qui exposeraient les bons arguments des uns et des autres.<br /> <br /> Sans ces relais, à qui se fier, et sur quelles bases? <br /> <br /> En tout cas, cet article ouvre bien à une réflexion qui s'impose d'urgence sur l'avenir de notre démocratie.
Y
Si nous ne faisions pas beaucoup mieux, nous serions vexés! À suivre...
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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