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vive les sociétés modernes - abécédaire
21 mars 2014

V comme Vaccin (et le relativisme moderne)

Je ferai grâce aux fidèles de l’abécédaire des sociétés modernes des bases scientifiques de la question, archi-connues. Mais je traiterai ce sujet dans la foulée de celui de Marcel Kuntz, qui expose l’irruption du relativisme en sciences. Les vaccinations en sont de plus en plus victimes. Pour les condamner, leurs contempteurs d’aujourd’hui vont jusqu’à actualiser les bévues de leurs débuts, quand la peur de la maladie était encore vive, et faisait préférer le risque vaccinal à celui de l’épidémie.*.

 

Pour nos lointains ancêtres, devenus assez nombreux pour être victimes d’épidémies, ces fléaux ne pouvaient être que des punitions collectives, infligées par les dieux mécontents. Il a résulté de ce sentiment de punition que les seules solutions étaient la fuite, ou un effort accru de satisfaire les divinités par des cérémonies ou des sacrifices.

 

Parfois, quand la maladie semblait liée à un lieu, comme l’est le paludisme, les hommes faisaient le lien, et attribuaient le fléau à l’air respiré. La solution collective, si elle était possible, était d’abandonner le lieu malsain.

 

Ce n’est qu’au 18ème siècle, qu’en Europe, les médecins, bénéficiant du développement des sciences, ont commencé à être plus attentifs aux détails des maladies qu’ils avaient à traiter, à prêter une signification aux différences d’évolution d’un sujet à l’autre. La découverte de Jenner fut le résultat de la confrontation des différences de la morbidité de la variole, entre les villes et la campagne . » »Pour ne pas voir sa femme abimée par la vérole, il faut épouser une laitière. », énonçait un dicton populaire. La parenté entre la variole et le cow-pox fut l’étape suivante et définitive. Qui permit, en l’espace de deux siècles, la diffusion mondiale de la méthode et l’éradication de la maladie. Le vaccin anti-variolique n’est plus obligatoire. Sa souche n’est conservée qu’en raison du risque de l’utilisation de la souche virulente comme arme bactériologique.

 

Après avoir longtemps vécu avec l’idée que les maladies étaient des punitions divines, collectives ou individuelles, l’humanité a pu les considérer comme des faits de nature, et les aborder selon une méthode spécifique de la cause établie.

 

Mais elle ne s’est pas arrêtée à cette vision qui écartait toute idée de faute, « a priori ».  L’alcoolisme, le tabagisme, les toxicomanies, la suralimentation, sont encore des fautes individuelles exposant à des pathologies. Il est toujours possible de leur trouver des excuses.

 

L’idée que toute maladie résulte d’une faute individuelle contre une hygiène de vie dont les normes s’enrichissent sans cesse, ou d’une faute collective sous la forme de nuisances à court, ou à long terme, de nos inventions de toutes sortes, progresse d’autant plus rapidement qu’elle réhabilite un sentiment qui a accompagné l’humanisation. On le retrouve dans les mythes.

 

Cette conviction a une conséquence logique : toute maladie résulte d’un artifice introduit dans l’environnement. En effet, il est facile de démontrer, grâce à la finesse des techniques d’analyse, qu’il n’y a sur terre ou sur mer, aucun lieu indemne de traces des diverses substances artificielles, d’utilisation non moins diverse.

 

L’impact latéral sur la pratique de la vaccination est dans la ligne de cette logique : prévenir une maladie par l’introduction d’une « substance artificielle », ou artificiellement obtenue, est une aberration. La solution n’est que dans le retour à la pureté antérieure de la nature. Ses méfaits n’encombrent plus les mémoires.

 

Quand ils ne sont pas, eux-mêmes, convertis à cette idée, les médecins, qui, souvent, n’ont pas l’expérience des maladies contre lesquelles ils sont pressés de vacciner, tellement elles sont devenues rares , n’ont pas beaucoup d’arguments à opposer aux familles ou aux sujets adultes exposés, qui refusent toute vaccination. Or une couverture à 50%, ou moins, n’est plus un obstacle contre une épidémie qui se déclencherait à partir d’un cas importé, ou d’une souche virale agressive.

 

Yves Leclercq, Médecin.

 

* Comment peut-on se couler dans une histoire d’un autre siècle, la ressentir comme les hommes qui l’ont vécue, alors qu’on en connaît la fin ?

 

 

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Commentaires
Y
Bien que n'ayant pas connu les débats que la vaccination a suscités, révolus lors de mon entrée dans la pratique, il me semble que ceux qui sont réapparus dans les années 1970, et se sont amplifiés depuis, avec une hausse sensible des refus sont plus offensifs. Ils s'appuient sur des "démonstrations" d'inutilité, ou de nocivité, de cette pratique.<br /> <br /> Les autres innovations, "prométhéennes", partagent le même sort.
M
Lors de leurs premières applications, les vaccinations ont soulevé des problèmes d'éthique auxquels les penseurs ne pouvaient rester indifférents. Nombreux sont ceux-et non seulement ceux cités par Pierre Gautier- qui ont fait connaître leur opinion. Comme les techniques étaient encore balbutiantes et les données peu nombreuses, il n'y a rien d'étonnant à ce que se soient manifestées dans le même temps enthousiasmes mais aussi réticences et oppositions.<br /> <br /> Actuellement, nous avons davantage de recul pour les vaccinations "classiques" et, dans les milieux médicaux comme dans la société, leurs bienfaits ne sont plus guère contestés; Le progrès qu'elles ont apporté (et apportent encore) est très majoritairement reconnu.<br /> <br /> Mutatis mutandis,on peut comparer les controverses des dix-huitième et dix-neuvième siècles à ce sujet avec celles qui s'élèvent aujourd'hui concernant par exemple l'industrie nucléaire, les O.G.M. ,la P.M.A. ....et la vaccination des jeunes-filles contre le cancer du col de l'utérus.
P
Si j’en crois l’historien des sciences JB Fressoz ce n’est pas sans mensonges ni manipulations des statistiques que l’État est parvenu à propager en France la vaccination au cours du 19e siècle. Évoquant l’action du comité de vaccine (installé en 1800 par le ministre de l’intérieur) chargé de propager l’innovation et d’en surveiller les effets, Fressoz va même jusqu’à écrire : "L’administration de l’ignorance fut la condition de notre alliance massive avec les virus" ("Comment sommes-nous devenus modernes?".<br /> <br /> Il est dommage que JB Fressoz n'évoque pas pas les mensonges des adversaires de la vaccination.<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs poursuivant mes lectures je découvre que c'est d'une toute autre manière (que la manière suspicieuse de JB Fressoz) que l'historien de la médecine Pierre Darmon relate le combat pour la vaccination en France au 19e siècle: <br /> <br /> <br /> <br /> " L’extension foudroyante de la vaccine en France n’est pas la conséquence d’un mouvement populaire d’adhésion spontané. Elle est bien au contraire le fruit de l’acharnement, du sacrifice et du dévouement quasi-sacerdotal d’un nombre restreint de vaccinateurs soutenus par les pouvoirs publics." (« L’odyssée pionnière des premiers vaccinateurs français au XIXe siècle »)
P
Au cours de mes lectures j'ai encore trouvé les précisions suivantes sur l'attitude de Kant face aux travaux de Jenner:<br /> <br /> <br /> <br /> Il semble qu’en définitive, et au dire d’un de ses biographes (Wasianski), Kant ait renoncé à légitimer, en matière de médecine, la supériorité de l’audace technique sur la confiance naturiste: « Il tenait le système de Brown pour une découverte capitale… Mais sa disposition fut, dès le premier moment, exactement inverse quand le Dr Jenner fit connaître la découverte de la vaccination quant à son grand profit pour l’espèce humaine. Il lui refusait, même très tard, le nom de variole préventive; il pensait même que l’humanité s’y familiarisait trop avec l’animalité et qu’on lui inoculait peut-être une sorte de brutalité (au sens physique). Bien plus, il redoutait que par le mélange du miasme animal au sang ou du moins à la lymphe on ne communiquât à l’homme de la réceptivité pour ce mal contagieux. Enfin il mettait même en doute, en se fondant sur le manque d’expériences suffisantes, la vertu préventive (de la vaccination) contre la variole humaine ». <br /> <br /> <br /> <br /> Ce que le philosophe et médecin Georges Canguilhem commente en ces termes: "On aperçoit ici comment les scrupules du moraliste finissent par annuler la question qu’il examine, pour autant qu’ils trouvent argument, contre l’utilisation d’une thérapeutique, dans l’insuffisance des épreuves auxquelles on l’a soumise. Si l’on s’abstient d’expérimenter, jamais on n’estimera les expériences suffisantes" ("Etudes d'histoire et de philosophie des scences").
Y
Ces derniers mots traduisent le "saut philosophique" qu'a été l'acceptation de l'animalité de l'homme.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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