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vive les sociétés modernes - abécédaire
19 juin 2013

U (ou C) comme Unité (de la Cité)

 

L’unité au sein d’une société moderne (oui mais jusqu’à quel point ?)

 

La société démocratique idéale est-elle la société la plus homogène possible ? Est-elle une association dont les membres sont unis au point de ne faire plus qu’un ?

C’est le point de vue, entre autres grands penseurs, de Platon, de La Boétie, de Rousseau et de Marx.

Pour tous, elle implique l’homogénéité, l’égalité et la fusion de tous en un.

On trouve tous ces ingrédients dans le discours de La Boétie :« La nature (…) nous a fait à tous ce beau présent de la voix et de la parole pour mieux nous rencontrer et fraterniser et pour produire, par la communication et l’échange de nos pensées, la communion de nos volontés ; puisqu’elle a cherché par tous les moyens à faire et à resserrer le nœud de notre alliance, de notre société, puisqu’elle a montré en toutes choses qu’elle ne nous voulait pas seulement unis, mais tel un seul être (…)? »

Le prix de ce totalisme  sociétal ? Le sacrifice de la liberté individuelle, tant que l’individu humain sera irréductiblement et un animal social et un sujet séparé des autres.

Cette question a été débattue depuis que les individus se sont donné le droit de choisir leur type de société. Platon fait l’éloge de l’unité totale, Aristote en fait le procès.

Cette question continue de se poser à nous, comme l’a prouvé par exemple le livre de Rosanvallon « La société des égaux »  

À quel degré l’hétérogénéité devient-elle incompatible avec la cohésion nationale, avec la possibilité de vivre ensemble et pas seulement côte à côte?

Cette question  se pose en France dans la tension entre deux pôles : le degré de « commun » qu’exigent l’unité du pays et la citoyenneté d’une part, et, d’autre part, les droits de chacun à la particularité qui sont implicitement présents dans les droits de l’homme.

Le « commun » est la priorité pour le point de vue républicain-étatiste, pour les nationalismes, et aussi pour le point de vue socialiste et anti-inégalitaire.

Le droit d’être particulier, différent et inégal, est le point de vue que privilégie le libéralisme.

Si on pousse à la limite le point de vue de l’homogénéité, on aboutit à la condamnation de la diversité, regardée comme la source de tous les maux : les classes sociales ne devraient pas exister, les races et les sexes ne sont plus des réalités nommables, tout le monde est du pareil au même.

Si par contre on pousse à son comble le point de vue du droit à la particularité et à l’inégalité, la société n’a plus ni identité, ni lien, ni existence. Il arrive d’ailleurs que le particularisme conduise à une sécession. Voir le risque en Espagne, en Belgique, en Grande Bretagne, sans oublier l’ex-Tchécoslovaquie, l’ex-Yougoslavie et de futurs ex-pays actuellement en guerres civiles ethniques et/ou religieuses.

Le fantasme de l’unité parfaite contient la dérive totalitaire.

Le fantasme du « chacun vit comme il veut pourvu que son voisin puisse en faire autant » conduit à la dissolution de la société.

Nous sommes donc condamnés à des questions qui n’ont pas de réponse tranchée d’avance.

Une société démocratique doit-elle tolérer l’usage en son sein de langues diverses ? Admettre l’existence de classes sociales dont les intérêts peuvent être antagonistes ? Une inégalité de revenus illimitée? Des pratiques religieuses et des mœurs qui singularisent et séparent des communautés ? 

Toute société moderne est prise entre ces deux dérives, et est condamnée à placer le curseur à un endroit  tout en sachant qu’il n’existe pas un juste milieu qui serait concevable pour toutes les sociétés. 

 

André Senik

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Commentaires
A
petit ajout si je puis me permettre<br /> <br /> <br /> <br /> la société est diverse, plurielle, faite de classes sociales distinctes, aux intérêts différents, divergents, opposés selon les auteurs -Machiavel déjà le disait <br /> <br /> Seule la République est une, seule la politique crée de l'unité à partir de la diversité. <br /> <br /> <br /> <br /> Le rôle de la politique est de permettre de vivre ensemble à ces diverses classes sociales et de partager des idéaux communs ; la nation définie par Renan par une volonté de vivre ensemble, un consentement constamment renouvelé ; l'unité politique du peuple reposant sur un contrat , selon Rousseau (et avant lui les auteurs cités Hobbes, Spinoza ...)<br /> <br /> <br /> <br /> La société, faite de classes sociales, peut se déchirer si celles-ci en viennent à s'opposer par trop d'inégalités, par des contradictions trop fortes. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour en venir au présent c'est précisément de la part des responsables politiques, leur ignorance de la situation des diverses classes sociales, dans une société dont la diversité est creusée d'inégalités insupportables, qui jette le petit peuple des ouvriers, employés, chômeurs et précaires, jeunes à l'abandon, petits paysans et petits entrepreneurs, dans les bras du FN qui lui pour le coup est tendanciellement totalitaire, par son projet nationaliste raciste, et anti-républicain, anti-égalitaire.<br /> <br /> <br /> <br /> voir cet article intéressant sur le plan sociologique, qui cite Marcel Gauchet, un philosophe pertinent, lui, qui s'occupe du présent, au lieu de flinguer indéfiniment le passé constitué des plus subversifs, Rousseau et Marx dont vous avez fait vos têtes de Turc, supposés "totalitaires", tandis que vous demeurez aveugle à ce qui vient et au vrai problème politique actuel chargé de menaces totalitaires qui ne sont pas là où vous les situez.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est pourquoi je me suis permis d'exposer cela.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> http://www.marianne.net/Comment-la-gauche-a-livre-le-peuple-au-FN_a229960.html
A
Quelle incroyable manière de raisonner ! <br /> <br /> Je relève les meilleurs passages <br /> <br /> "Le droit d’être inégal" ! <br /> <br /> C'est un droit ? <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> " les classes sociales ne devraient pas exister, les races et les sexes ne sont plus des réalités nommables, tout le monde est du pareil au même."<br /> <br /> <br /> <br /> Prêter cela à Platon et Rousseau est un déformation inadmissible, une distorsion complète.<br /> <br /> <br /> <br /> cela ne peut être soutenu qu'à condition de déformer les textes et les pensées, le but étant idéologique : flinguer Rousseau et Marx et exclure l'idée d'égalité (tout cela étant totalitaire) et ignorer la pensée politique des philosophes qui ont pensé la politique. <br /> <br /> <br /> <br /> Il y a des classes aussi bien pour Platon que pour Rousseau, des différences, qui sont des différences d'intérêts et des différences de fonctions aussi, c'est très clair.<br /> <br /> <br /> <br /> Platon : la classe des paysans et producteurs, la classe des gardiens et soldats (agents de l'Etat en quelque sorte), la classe des dirigeants, voilà les 3 classes qui composent la Cité ; il y a aussi la différence hommes libres/esclaves, la différence citoyens et non citoyens (dont les femmes), la différence entre citoyens/étrangers etc. et la différence homme/femme chaque sexe ayant un rôle très précis dans la famille au sein de la Cité.<br /> <br /> <br /> <br /> Rousseau sait qu'un société est composée de classes sociales différentes, il n'est pas si idiot, cela se lit si on le lit.<br /> <br /> Et c'est bien parce qu'il y a des classes différentes, aux statuts différents chez Platon, aux intérêts différents, chez Rousseau comme chez tous les penseurs politiques, et des individus aux intérêts, passions, désirs, aspirations, représentations, vues, conceptions et croyances différentes , toutes choses qui peuvent être cause de conflit, c'est précisément pour cela qu'est posée la question politique : comment vivre ensemble et comment unifier politiquement une diversité de sorte à obtenir une volonté politique une.<br /> <br /> <br /> <br /> La société est diverse, faite de différences, de classes, de sexe, de croyances et idées etc. c'est la politique qui crée une unité : unité pour vivre ensemble, non en faisant disparaître toutes ces différences, mais en faisant exister une volonté politique une, que Rousseau appelle la volonté générale.<br /> <br /> <br /> <br /> La problématique est la même chez tous les penseurs politiques modernes (vous qui vantez les sociétés modernes, vous devriez le savoir) depuis Bodin, soit la pensée de la République et de la souveraineté, en poursuivant avec Hobbes, Spinoza, Rousseau and so on... tous, incluant avant cela encore Machiavel : l'unité est politique. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour la pensée politique moderne , fondatrice de la modernité politique, l'unité dont il est question est celle que de la volonté politique, de la souveraineté : le pouvoir politique est un et indivisible.<br /> <br /> Ceci pour construire l'Etat moderne, à l'abri des dissensions internes, comme Etat d'une nation moderne unifiée, à l'abri des divisions qui déchirent le pays que ce soit le fait des seigneurs ou des religions menant à la guerre civile, ou les factions quelconque.<br /> <br /> Relisez les textes par pitié ! <br /> <br /> <br /> <br /> Pour le dire très simplement et très clairement :<br /> <br /> La société est plurielle, la République est une et ses lois sont unes, car les mêmes pour tous : là est la seule unification et la seule unité, l'unité du corps politique. <br /> <br /> <br /> <br /> Au prix de telles distorsions des textes vous renvoyez toute pensée politique, antique et moderne, à des idées stupides à force d'être caricaturales et tout philosophe à la figure d'un idiot.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Tout cela bien entendu pour creuser à n'en plus finir et de manière obsessionnelle le sillon qui consiste à voir du totalitarisme partout : hors d'un libéralisme sans limites , il n'y a que terreur et totalitarisme.<br /> <br /> Unique idée développée continuellement. ["Le fantasme de l’unité parfaite contient la dérive totalitaire"]<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Conservez la notion de totalitarisme pour ce à quoi elle convient. Il faudrait peut-être lire Arendt, ou au moins ne pas en taire la pensée à vos lecteurs.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Bel exemple de pensée univoque que vous donnez là, variations d'une pensée unique, reposant sur une seule et unique idée, obsession d'unification de la pensée qui ne supporte aucune contradiction (tout ce qui ne pense pas comme vous est définitivement renvoyé à la poubelle sous le chef infâmant de "totalitaire") <br /> <br /> mais au prix de quelles déformations ! <br /> <br /> <br /> <br /> Belle leçon de philosophie pour enfumer les ignorants en philosophie auxquels vous vous adressez et qui ne peuvent contredire ce que vous faites dire aux textes.<br /> <br /> <br /> <br /> Arthur , prof de philo très surpris<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> [A. Delabarre]
Y
Condition rarement ou jamais remplie. L'idéaliste ne peut qu'être pressé. Il me semble que Hegel a inspiré Marx et Engels, qui, à leur tour ont inspiré des figures politiques. Lesquelles ont extrait par césarienne des "sociétés idéales".
S
Oui vive Hegel et son idéalisme réaliste, à condition qu'il ne fasse pas se languir d'une société idéale.
P
Au cours de mes lectures, je tombe sur ce commentaire de David Ross (grand spécialiste d'Aristote) se rapportant au débat Platon-Aristote relatif à la communauté des femmes et des enfants:<br /> <br /> <br /> <br /> " C'est à juste titre que Hegel a pu dire que Platon, en comparaison d'Aristote, n'est "pas assez idéaliste", si l'idéalisme est le pouvoir de voir les éléments idéaux dans le réel, plutôt que le fait de détruire réel dans l'espoir de trouver ailleurs l'idéal" (Ross, "Aristote"). Vive cet idéalisme!
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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