Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
vive les sociétés modernes - abécédaire
8 novembre 2012

T comme Travailler (seul moyen pour être reconnu socialement?)

Dans les sociétés modernes, le travail est un, sinon même le, critère essentiel de la reconnaissance sociale. Il remplace dans cette fonction le sang, la force, le sexe, l’âge et autres facteurs. C’est en effet par son travail que chaque individu est censé contribuer au bien des autres, et mériter leur reconnaissance.

C’est ainsi que l’entrée des femmes sur le marché du travail a habitué la société à les évaluer de plus en plus sur leurs apports et de moins en moins sur des préjugés sexistes. Je précise que ce n’est pas le travail en soi qui a permis de changer l’image traditionnelle de la femme, mais le marché du travail où les femmes entrent en concurrence avec les hommes sur la base de ce qu’ils y apportent objectivement.

Cette fonction symbolique du travail explique l’importance de la question sociale, qui se pose classiquement à deux niveaux.

- Le travail ( et d’abord celui des non-propriétaires) est-il « justement » rémunéré ?

- Le travail des uns et des autres est-il source de reconnaissance, d’abord sur son lieu de production et ensuite au-dehors ?

La réponse à la première question ( celle de la juste rétribution) supposerait une longue discussion sur l’idée même de juste rémunération, étant admis sans discussion qu’est injuste toute discrimination due à des facteurs extérieurs au travail, ce que résume la formule « À travail égal salaire égal. »

La réponse à la seconde question (le travail est-il source de reconnaissance ?) se joue sur au moins deux plans.

À l’intérieur de l’entreprise, le sentiment des « travailleurs » d’être reconnus est-il utile à l’entreprise elle-même, à sa réussite ? Si c’est le cas, on peut être optimiste à terme.

Dans la société, existe-t-il des formes publiques de reconnaissance autres que celles qui vont au travail ? Il y a quelques années, un courant philosophique annonçait la fin du travail, et de la valeur travail, et la valorisation sociale des autres formes d’activité. Ce point exigerait une longue discussion pour distinguer les activités qui méritent d’être classées dans la catégories travail (par exemple, les activités associées à une rémunération) et les activités qui n’en relèvent pas.

 

André Senik

Publicité
Publicité
Commentaires
Y
Ce billet m'avait échappé, car paru au début d'une traversée d'un désert informatique. J'apprécie, d'abord, le dernier commentaire, chargé d'humour, de son auteur lui-même.<br /> <br /> Il me semble que si les hommes de nos sociétés modernes ne peuvent, habituellement, se passer de travailler, ils ne savent plus toujours le pourquoi de cette nécessité, et ils la ressentent souvent comme une persécution émanant de la société.<br /> <br /> L'inégalité de la qualification du travail, et celle du salaire ou du revenu obtenu, amplifient ce sentiment. <br /> <br /> Les artistes font exception, toujours, et depuis toujours. Ils "adorent" travailler!
S
C'est que les activités sublimées et passionnantes sont grandement entrées dans la sphère de travail de ceux-là. Voir Baudelaire: "Il faut travailler sinon par goût, du moins par désespoir, puisque tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser."
P
Je ne partage pas les idéologies de la fin du travail (Rifkin, Méda), d'ailleurs passées de mode, mais comment ne pas voir que nos sociétés en orientant la quasi totalité de leurs efforts vers le travail ont tendance à délaisser un certain nombre d'activités non économiques mais capables d’offrir aux travailleurs des suggestions (de valeur sans doute très inégale) quant à la façon d’employer son temps une fois qu’on est libéré des tâches productives? Lorsque les « mal placés » regardent vers le haut, ils ne voient plus « que des hommes obsédés de tâches matérielles (souvent) beaucoup plus qu’eux-mêmes (…), qui ne se distinguent d’eux que par la dépense, qui se trouve ainsi le seul modèle offert à l’imitation », et non par une plus grande liberté d’esprit comme ce fut le cas des Grands pendant plusieurs siècles (Jouvenel Arcadie).
P
Cet article me fait penser à la sombre prédiction d'Hanna Arendt au début de "La condition de l'homme moderne":<br /> <br /> <br /> <br /> " Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire. "
vive les sociétés modernes - abécédaire
  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Publicité