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vive les sociétés modernes - abécédaire
7 avril 2011

R comme Réciprocités (mécanique et sans contrepartie)

Certains principes juridiques d’action ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur. Par exemple celui par lequel nous estimons que même les (pires) criminels possèdent un certain nombre de droits, notamment celui d’être punis dans des conditions conformes à la dignité humaine, y compris dans le cas des peines les plus sévères ; et lorsque ce n’est pas le cas nous pensons que cela doit être dénoncé. Autre exemple, dans l’ordre de nos relations avec les autres nations, nous considérons que les étrangers établis régulièrement et durablement sur notre sol doivent avoir les mêmes droits (au logement, à l’éducation, à l’emploi…) que les nationaux (à l’exception  toutefois, dans des mesures variables selon les pays, du droit de vote); et lorsque cette égalité est violée, nous parlons de discrimination.

 

On pense parfois que ce sont là des principes d’action qui vont de soi et qu’il faut avoir honte de ceux qui les contestent (en théorie ou en pratique).

 

Mais ces principes sont-ils aussi élémentaires ? Ils le sont sans doute devenus en certains endroits, mais ils ne le sont pas en eux-mêmes. En effet ils présupposent l’un et l’autre un renoncement difficile à l’exigence de réciprocité, du moins à l’exigence de réciprocité mécanique ou terme à terme ; celle qui  a pour maxime : « Fais à autrui ce qu’il te (ou t’a) fait », « Traite-le comme il te traite ». Selon cette maxime, pour reprendre les exemples utilisés plus haut, il faudrait appliquer aux criminels l’inhumanité dont ils ont eux-mêmes fait preuve ; et  accorder aux étrangers les mêmes droits que ceux dont disposent ailleurs nos compatriotes.  

 

Il est toutefois une autre conception de la réciprocité, celle qui a pour maxime : « Fais à autrui comme tu voudrais qu’il te fasse » (et non comme il t’a fait) ; c’est-à-dire comme il convient de traiter tout être humain. Réciprocité sans contrepartie ou inconditionnelle, dite aussi Règle d’or. Conception sans doute très ancienne mais qui a toujours été considérée comme un idéal difficilement accessible. C’est cette conception qui est à l’œuvre là où on a rejeté la loi du talion ou celle de la préférence nationale au motif notamment que cette préférence est pratiquée ailleurs.

 

Plutôt que d’avoir honte de la minorité de nos compatriotes qui ne reconnaissent d’autre réciprocité que mécanique, ne serait-il pas plus judicieux (et juste) de se féliciter de ce que, bon gré mal gré, la grande majorité s’efforce de demeurer fidèle à la Règle d’or ?

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Pierre Gautier

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Commentaires
Y
ont, ce billet et ses commentaires le confirment, une évidente capacité d'auto-critique. <br /> Ce serait une faiblesse en même temps que c'est leur honneur, si les États, auxquels les sociétés confient les affaires courantes, ne se chargeaient pas d'assumer la mauvaise foi, les reniements, ou même l'abjection, au nom de la Raison d'État, péché originel de la Politique.<br /> "À l'impossible, nul n'est tenu", même....la France.
M
La dernière question de pg suscite à son tour quelques interrogations :<br /> Nul ne peut nier que des régimes se soient comportés (ou même se comportent encore) de manière pire que les sociétés occidentales. Est-ce une raison pour exonérer celles-ci de leurs turpitudes? de les absoudre?<br /> A une époque où elles se permettent de renier ouvertement,(délibérément?) les engagements généreux auxquels elles ont souscrit en 1948 dans le cadre des Nations Unies, doit-on parler de mutation ou de décadence?<br /> En tout cas, il semble difficile de les encourager dans cette voie; pouvons-nous, sans réticence,(même si nous nous trouvons parmi les privilégiés) affirmer "vive les sociétés modernes"?
P
1/ Plutôt que de parler de "réciprocité sans contrepartie", peut-être aurais-je pu parler, comme d'autres, de "réciprocité bienveillante ou de bienveillance"*; quoi qu'il en soit il me semble nécessaire de distinguer la réciprocité qui a pour maxime : Fais à autrui comme il te fait", et celle dont la maxime est: " Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse".<br /> 2/ Je sais que nulle part cette réciprocité de bienveillance n'est pratiquée sans de nombreuses entorses, notamment à l'endroit des étrangers. Faut-il pour autant considérer qu'il n'y a à cet égard aucune différence entre les pays?
Y
"aimer son prochain comme soi-même", et le mettre en actes, est à l'échelle individuelle. C'est une obligation religieuse, ou une exigence vis-à-vis de soi-même. "Je suis comme je me préfère" crée une obligation qui n'engage que soi, et ne s'étend à personne d'autre. <br /> Une société, même dirigée par une majorité, ne peut engager tous ses membres dans une telle action, à l'échelle collective. Il ne peut y avoir une charité, un sacrifice, un partage, obligatoires. <br /> Du coup, les grands principes, comme la liberté de circulation, d'installation, sont, en pratique, inapplicables.
M
La "Réciprocité sans contrepartie" est une notion difficile à mettre en oeuvre .<br /> Entre individus, comme le note la dernière remarque de pg, il s'agit d'un oxymore: qui dit réciprocité dit échange (de biens, de services, de bonnes volontés...) Sans contrepartie, pas de réciprocité, mais seulement générosité et don.<br /> Quant aux sociétés elles appliquent bien mal ce principe: Par exemple les USA ,avec les prisonniers d'Abou-Graïb et Guantanamo, les Israëliens vis à vis des Palestiniens, et même les Européens à l'égard du désir d'émigration des Nord-Africains, (dont ils ont eux-mêmes, lors des évènements récents en Tunisie , Libye, Egypte favorisé la volonté d'émancipation) ne suivent guère cette "règle d'or".<br /> (Rappelons la Déclaration Universelle des droits de l'Homme de 1948:<br /> Article 9:<br /> Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.<br /> Article 13:<br /> 1)Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.<br /> 2)Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien et de revenir dans son pays.)<br /> Les Sociétés modernes se sont attribuées un droit d'ingérence (qu'elles mettent en oeuvre au demeurant de manière sélective et arbitraire).Mais quel gouvernement d'un "Etat Moderne" accepterait que ce principe soit appliqué chez lui en cas de contestation interne de ses propres citoyens?<br /> Nous sommes loin du régime idéal d'égalité des droits entre ressortissants et étrangers .
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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