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vive les sociétés modernes - abécédaire
5 janvier 2011

P comme pause du Progrès scientifique?

                         SCIENCES FONDAMENTALES ET APPLICATIONS TECHNIQUES

Il n'y a jamais eu au monde autant de chercheurs scientifiques qu'actuellement. Leur nombre dépasse celui de tous les savants ayant jamais existé.

Pourtant, la Science piétine. La découverte de la relativité générale a un siècle, celle de la mécanique ondulatoire, quatre-vingts ans, et celle de la double hélice de la structure chromosomique en a soixante . Bien sûr , il y a eu , et il y a encore, de multiples progrès dans l'application des découvertes du XIX eme et du XX eme siècles, dont la potentialité est loin d'être épuisée. Mais au point de vue fondamental, il n'y a rien de nouveau, et, ce qui apparait pire, les développements actuels des théories débouchent sur des conclusions insatisfaisantes, voire des contradictions.

Par exemple, en ce qui concerne l'infiniment grand et la structure de l'Univers, est-il satisfaisant d'admettre que nous  puissions seulement connaître la nature  de 5% de sa masse totale ? que nous n'ayons aucune idée de ce qui constitue "la Masse Noire" et "l'Energie Sombre" qui en composent 95% ?

Si nous considérons maintenant l'infiniment petit, ni la théorie des cordes (ou celle des "supercordes"), ni celle de la Gravité Quantique à Boucles (L.Q.G.) n'apportent la moindre réponse aux questions fondamentales sur la nature des forces et les éléments constitutifs de la matière. Si l'on considère, avec Popper, qu'une théorie scientifique doit permettre de faire des prévisions vérifiables, on peut même craindre qu'il ne s'agisse pas là de vraies sciences (malgré leur complexité), car elles sont impuissantes à prédire le résultat de la moindre expérience, étant tout au plus capables de fournir a posteriori une explication approchée des résultats, quels qu'ils soient.

En biologie, la recherche fondamentale montre que la nature est loin d'être aussi simple qu'on avait pu l'espérer, et la notion de "gène" qui fut si utile comme concept de base dans le développement de la théorie de l'hérédité, devient de plus en plus floue. Ici aussi, il n'est guère acceptable d'expliquer  vos yeux bleus en disant que vous avez le gène des yeux bleus, quand on ne sait pas très bien ce qu'est un gène, où il se situe, et surtout comment il agit .

Ce blocage dans l'avancement des concepts de base, qui contraste avec les prodigieux développements des siècles précédents, est masqué par le foisonnemennt des applications qui apparaissent constamment et modifient de manière continue notre façon de vivre : les  mises en oeuvre techniques de l'électricité, de l'électromagnétisme, de l'électronique, de la thermodynamique, de l'énergie nucléaire .... rendent chaque jour notre existence plus artificielle, en introduisant  des "gadgets" qui rapidement deviennent des outils, puis d'indispensables auxiliaires de vie.

Les progrès de la médecine sont, eux aussi, spectaculaires, mais là encore ce sont des développements et des ajustements de techniques de pointe  et non des découvertes scientifiques de base .

La situation actuelle représente-t-elle une pause, qui nous laisse le temps d'assimiler les concepts mis à jour au XX eme siècle, avant de repartir en échaffaudant de nouvelles hypothèses ? Ou bien sommes-nous arrivés au voisinage des limites de ce que l'esprit humain est capable d'assimiler ? L'utilisation d'outils de plus en plus puissants, (tel le grand cyclotron du CERN ), la multiplication des scientifiques et des expériences, les sommes importantes investies dans les recherches, ne semblent pas suffisantes pour franchir les obstacles conceptuels qui s'élèvent devant nous . Même si ceci ne va pas tarir, pour de nombreuses années encore, le nombre des inventions techniques et des applications, il n'en reste pas moins que cette impuissance à faire progresser la science fondamentale, impuissance transitoire peut-être, mais prolongée, inhabituelle en tout cas en regard des trois ou quatre derniers siècles, peut soulever quelques inquiétudes quant à nos capacités d'abstraction.

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J.Fauré (Docteur ès Sciences physiques)

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Bibliographie :

1) Evelyn Fox Keller : "Le Siècle du Gène ", préface de François Jacob, (Gallimard 2003)

2) Brian Greene         : "L'Univers Elégant", (Robert Laffont 2000)

3) Lee Smolin           : "Rien  ne va plus en Physique", (Dunod 2007)

4) Gilbert Hottois :  "Philosophies des sciences , philosophies des techniques"  (Odile Jacob 2004 )

5) Jean-jacques Kupiec et Pierre Sonigo :  "Ni Dieu ni gène"  (Le Seuil 2000 )

6) Jean Staune  : "La science en otage "  (Presses de la renaissance , 2010)

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Commentaires
Y
Que celui qui n'a jamais dit n'importe quoi lui (leur) jette la première pierre!
C
Entièrement d'accord, 'réfutabilité' est du bon français, 'falsifiabilité' est un anglicisme qui m'arrive trop facilement sous la plume... Mais comme je le disais, peu importe, car si ce critère de non-réfutabilité reste important, le reste de la critique popperienne est quelque peu démonétisée, voir à ce sujet Sokal et Bricmont (et bien d'autres). Je reste un fan (non, un fan-critique, si ça existe) de Feyerabend, qui dit n'importe quoi lui aussi, mais qui au moins a le mérite de secouer le Landerneau.
Y
@cdc<br /> Ce terme de Popper ne me semble pas avoir de sens en français. Je l'ai traduit par "réfutabilité". Falsifier serait l'action d'un scientifique....falsifiant ses résultats pour prouver ce qu'il veut. Cela arrive. Mais Popper me semble vouloir dire que le propre des résultats scientifiques, c'est qu'on doit pouvoir démontrer qu'ils sont faux. Ce qui n'est pas possible dans les "sciences" humaines.
C
Une petite précision : Popper traite de la falsifiabilité, pas de vérification, mais peu importe. Personnellement, je vois plutôt la situation comme celle de la fin du XIXe siècle, où la science faisait également du sur-place, et puis brutalement, il y eurent les quanta et la Relativité. Il est clair que la cosmologie est très problématique, ainsi que ce qu'est devenue la mécanique quantique - peut-être atteint-on nos limites intellectuelles ? Cela étant, la multiplication des équipes pose un gros problème de dissémination, même avec le Net. Par contre, si le concept de "gène" est moins net qu'il y a trente ans (on croyait avoir tout compris !), je n'ai aucun doute que la recherche fournira de nombreuses données sur les mécanismes complexes (épigénétique, épissages alternatifs, rôle des introns etc.). C'est de la fine mécanique, mais de la mécanique tout de même.
J
J'espère que vous avez raison ,en pensant que la pause qui semble se manifester dans les sciences n'est due qu'à un effet d'optique , ou à un effet d'accordéon ,résultant lui même d'une crise des vocations ou d'un éparpillement des énergies sur des sujets secondaires.Il n'en reste pas moins qu'au début du XXème siècle , il y avait environ cent fois plus de chercheurs qu'au début du XIXéme, et qu'au début du XXIème ce nombre a encore été multiplié par cent,que le nombre de gens instruits et d'universités ne fait que croître ,et que pourtant,il n'y a pas, depuis plusieurs decennies, d'avancées significatives dans les sciences fondamentales.<br /> Je voudrais me tromper ,en disant que peut-être il existe une limite à ce que notre esprit peut assimiler ,et que nous n'en sommes plus très loin,(ce qui n'empêche évidemment pas le développement de nombreuses applications),mais je ne suis pas très optimiste .
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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