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vive les sociétés modernes - abécédaire
15 décembre 2010

P comme Protectionnisme (ou faut-il pendre les importateurs ?)

 

Telle est la question posée par Barthélemy de Laffemas sous le règne d’Henry IV ?

La question du protectionnisme n’est pas nouvelle et les débats entre ses partisans, par exemple les mercantilistes, et les tenants du libre-échange n’ont jamais vraiment cessé.

Certes aujourd’hui les protectionnistes ne proposent plus des mesures aussi radicales mais le protectionnisme, sous des formes variées, retrouve des couleurs dans un contexte de délocalisation, de mondialisation, de forte concurrence internationale, de chômage et plus généralement de crise économique.

En simplifiant les protectionnistes pensent qu’il faut maîtriser le commerce international pour notamment sauvegarder l’économie nationale et les emplois. Les mesures peuvent être diverses : tarifaires ou non tarifaires. Pour les premières : augmentation des droits de douane ou dans sa version moderne la TVA sociale. Pour les secondes : édiction de normes techniques, sanitaires (fromages français aux USA), procédures administratives (dans les années 80 on se souvient de la fameuse « bataille de Poitiers » pour les magnétoscopes japonais) et bien d’autres barrières. On peut aussi agir sur la valeur de la monnaie nationale par rapport aux autres devises (dévaluation, action sur les taux d’intérêts, …) ou encore subventionner certains secteurs (le charbon, la construction navale, la sidérurgie, l’agriculture, ...). Les protectionnistes ne manquent pas d’imagination !

En leur sein on peut cependant distinguer plusieurs courants qui vont des partisans d’une totale autarcie (genre modèle de l’ancienne Albanie) à ceux d’un certain libre-échangisme. Il faut citer Friedrich List : « le protectionnisme est la voie, le libre-échange le but ». Pour lui et ses successeurs, le protectionnisme n’est pas une fin mais un moyen temporaire du développement d’un espace économique et politique ; il convient par exemple de protéger une industrie naissante pour lui permettre d’affronter la compétition internationale « à armes égales ».

En simplifiant une fois encore les « protectionnistes absolus » raisonnent dans une économie où les pertes des uns sont forcément exactement égales aux gains des autres. C’est le jeu à somme nulle des mathématiciens. Les « libres-échangistes absolus » sont dans une logique de jeu à somme positive où tous les joueurs sont gagnants (même si proportionnellement certains le sont plus que d’autres). Ils suivent la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo qui montre que tous les pays ont intérêt à développer leurs échanges.

Mais la théorie économique est une chose, la réalité géographique, démographique, politique, stratégique, culturelle, sociale et économique une autre.

Aujourd’hui, notamment à cause de l’émergence des BRIC et d’un certain basculement du monde, il faudra trouver le juste équilibre entre le nécessaire besoin de protection à court terme des citoyens (tant dans les pays développés que dans les pays en développement) et le formidable outil de croissance que constitue le commerce international.

C’est en principe le rôle de l’OMC.

.

 

Frédérick VAN GAVER (économiste)

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Commentaires
P
Paul Krugman (prix Nobel d'économie) a très souvent évoqué l'apport décisif de David Hume à la compréhension du commerce international:<br /> <br /> "Dans cette dernière décennie du XXe siècle, ce sont toujours les raisonnements de Hume et de Ricardo qui devraient former l'essentiel de ce qu'on enseigne aux étudiants. c'est-à-dire qu'il faut leur apprendre que les déficits du commerce extérieur se corrigent d'eux-mêmes et que les bénéfices tirés du commerce international ne dépendent pas du fait qu'un pays possède un avantage absolu sur ces rivaux. Si nous pouvons apprendre à nos étudiants à tiquer lorsqu'ils entendent parler de "compétitivité" (entre les pays) nous aurons bien servi la nation."(Krugman,"Ce que tout étudiant doit savoir sur le commerce international", 1993).<br /> <br /> Je ne sais si Paul Krugman pense en 2010 exactement la même chose.
P
Ils ne sont pas nombreux les philosophes à avoir traité la question du commerce international. Ce qui rend le cas de David Hume d'autant plus remarquable. Il a consacré à cette question plusieurs essais substantiels. L' "Essai sur le commerce" (1752), contient sans doute, selon Henri Denis, auteur d'une classique "Histoire de la pensée économique", le premier texte "dans lequel nous puissions trouver au moins une ébauche de l'explication de la croissance des économies capitalistes grâce au commerce extérieur*: <br /> <br /> "La même façon de raisonner nous fera voir l’avantage du com-merce extérieur qui accroît le pouvoir de l’Etat aussi bien que la ri-chesse et le bonheur des sujets. Il accroît le fonds (stock) de travail de la nation et le souverain peut convertir la part qu’il juge nécessaire au service public. Le commerce extérieur, par ses importations, fournit des matériaux pour les nouvelles manufactures et, par ses exportations, il produit du travail (it produces labour) dans le domaine des marchandises particulières qui ne pourraient pas être consommées à l’intérieur. Bref, un royaume qui importe et exporte beaucoup, doit avoir une activité laborieuse (industry) plus importante et avoir plus de choses délicates et de luxe qu’un royaume qui se contente des mar-chandises de l’intérieur. Il est donc plus puissant, plus riche et plus heureux." (Hume "Essai sur le commerce") <br /> <br /> *avant hume l'action du commerce international sur le développement industriel aurait seulement été affirmée, par exemple par Petty ou par Cantillon. (toujours selon Henri Denis)
Y
Opportunément, à l'avantage de notre débat, le Monde du 16 Décembre consacre une page(10) à cette question, en partant du concept de "juste échange" inscrit au programme du Parti Socialiste.<br /> Entre les effets de la crise et la constitution sur plusieurs décennies de handicaps structurels de nos industries, la tentation protectionniste, en attendant des jours meilleurs, s'installe dans le débat politique français. Les préoccupations, différentes à l'origine, se rejoignent. Le protectionnisme "économique" se préoccupe des déséquilibres de nos échanges institués tant par la Chine que par les économies émergentes offensives et défensives de l'Inde et du Brésil. Nous payons ce que nous leur achetons, mais aussi une partie de ce que nous leur vendons! Les aspects immoraux, corrélés à nos échanges avec laChine, ne sont pas oubliés.<br /> Les préoccupations écologiques sont placées au débit des échanges mondiaux, et justifieraient un protectionnisme "carbone".<br /> Les malheurs des victimes de la compétition inégale entre les pays développés et ceux qui sont sur la pente ascendante ne semblent pouvoir trouver de solution autre qu'un protectionnisme qui va jusqu'à parler de "démondialisation"(Arnaud Montebourg, Parti de Gauche).<br /> Les libéraux eux-mêmes sont ébranlés dans leurs convictions par le refus de la Chine et des pays émergents de "jouer le jeu"; et préconisent une pause temporaire dans la libération des échanges, le temps que ces pays se sentent prêts à pratiquer la réciprocité.<br /> Mais comme nous sommes liés aux autres états, d'Europe, et du monde, par des traités, les décisions définitives ne seront pas aussi schématiques qu'elles sont souhaitées.
P
je suis a priori plutôt opposé au protectionnisme; je trouve toutefois dans un article de Maurice Allais une distinction entre deux catégories de protectionnisme qui me paraît plutôt judicieuse: "Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire".<br /> (Allais (Allais 2009)<br /> Qu'en pensez-vous?
P
il me semble que la question du protectionnisme ou du libre-échangisme présente, aujourd'hui du moins, une singularité, c'est qu'elle n'est pas réglée idéologiquement (au contraire de ce qui se passe pour bon nombre d'autres questions économiques, à commencer par celle du marché). Ainsi on trouve des partisans (et des adversaires) du protectionnisme aussi bien à droite qu'à gauche. On est donc d'une certaine façon plus libre pour y réfléchir; mais en même temps, surtout quand on n'est pas économiste, plus démuni faute de pouvoir recourir à un grand principe pour trancher.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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