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vive les sociétés modernes - abécédaire
8 décembre 2010

P comme Popper (et l'abécédaire des sociétés modernes)

Voici une page qui fut l’une des sources de  cet abécédaire des sociétés modernes. Je connaissais  Karl Popper comme philosophe des sciences mais je ne connaissais pas ses idées  politiques, lorsqu’un peu par hasard, il y a une quinzaine d’années, j’ai lu La leçon de ce siècle (paru en version originale en 1992). Dans ces textes, où il se définit à la fois comme libéral et  favorable  à « un interventionnisme graduel et démocratique comme, par exemple, la social-démocratie scandinave », il évoque à plusieurs reprises les démocraties occidentales mais pour souligner, chose rare chez un philosophe*, leur « réussite sans précédent » :

« Nos démocraties occidentales (…) sont une réussite sans précédent : cette réussite est le fruit de beaucoup de travail, de beaucoup d’efforts, de beaucoup de bonne volonté et avant tout de beaucoup d’idées créatrices dans des domaines variés. Le résultat, c’est qu’un plus grand nombre d’hommes heureux vivent une vie plus libre, plus belle, et plus longue que jamais auparavant.

Je sais bien entendu, que bien des choses devraient être améliorées. Le point essentiel est que nos « démocraties » ne se distinguent pas assez des dictatures de la majorité. Mais jusqu’ici dans l’histoire, il n’y a jamais eu d’Etats dans lesquels les hommes aient pu vivre aussi librement et mener une vie aussi belle ou meilleure que celle-ci.

Je sais que trop peu de personnes partagent cet avis. Je sais que le monde a aussi de mauvais côtés : la délinquance, la cruauté, la drogue. Nous commettons de nombreuses erreurs, et même si beaucoup d’entre nous tirent des enseignements de leurs erreurs, certains s’enferment dans les leurs.

Mais ce monde nous impose certaines tâches. Nous pouvons y vivre heureux et satisfaits ; mais il faut aussi le dire ! Or je ne l’entends presque jamais. Tous les jours en revanche, j’entends gémir et pester contre le monde prétendument exécrable dans lequel nous sommes condamnés à vivre.

J’estime que la diffusion de ces mensonges est le plus grand crime de notre temps parce que c’est une menace pour la jeunesse, que l’on veut priver de son droit à l’espoir et à l’optimisme. Dans certains cas, cela mène au suicide, à la drogue ou au terrorisme. » (Popper, La leçon de ce siècle, "Observation sur la théorie et la pratique de l'Etat démocratique")

Popper écrivait donc ces lignes il y a bientôt vingt ans ; pourrait-on les réécrire aujourd’hui ?

Pierre Gautier

* encore plus rares, hélas,  furent dans l’antiquité les philosophes qui prirent parti pour le gouvernement démocratique : Protagoras fut l’un des seuls.

             

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Commentaires
Y
Popper a vu la télévision arriver (aux USA, elle a eu une bonne dizaine d'années d'avance sur nous), mais "nous" en avons compris les risques bien avant les américains, puisque "nous" avons tenté de toutes nos forces d'en maintenir le contrôle par l'État. Le deuil n'est toujours pas fait. Et le malheur des démocraties a continué avec Internet, et sa cerise sur le gâteau, Wikileaks!<br /> C'est humiliant, c'est difficile à digérer, tout le monde en prend pour son grade, mais c'est plutôt sain!
P
la page de Popper que j'ai citée dans mon billet a été importante pour moi non seulement parce qu'elle soulignait une réussite des sociétés modernes que j'avais alors tendance à beaucoup sous-estimer, mais aussi parce qu'elle faisait de cette réussite le fruit "de beaucoup de travail, de beaucoup d’efforts, de beaucoup de bonne volonté et avant tout de beaucoup d’idées créatrices dans des domaines variés", et non uniquement des luttes politiques comme je le croyais.
P
Popper était loin de penser que les démocraties libérales étaient parfaites. Certaines de leurs imperfections étaient même si graves à ses yeux qu'elles exigeaient une intervention urgente de l'Etat: en particulier il était extrêmement critique à l'égard de la télévision : "Ma thèse était et est encore, qu'à l'heure actuelle, nous éduquons nos enfants à la violence avec la télévision et les autres moyens de communication. A cette occasion j'ai dit, et je le pense encore, que nous avons malheureusement besoin de la censure". Il a consacré à ce problème un livre, écrit avec John Condry, "La télévision: un danger pour la démocratie" (coll. 10/18).
J
Je ne me sens pas grande envie de critiquer la pensée politique de Popper (tout est pour le mieux dans la meilleure de nos sociétés démocratiques !) . A part Alain Badiou et une poignée de<br /> nostalgiques d'un pouvoir centralisé fort (fasciste ou communiste) personne, même les régimes qui ne l'appliquent pas en fait , n'ose critiquer la démocratie .Le délicat est le niveau de solidarité<br /> que nous sommes prêts à accepter . Entre un libéralisme extrême, qui refuse même la notion de sécurité sociale , et les contraintes d'une redistribution des richesses qui , si elles deviennent trop<br /> fortes, risquent de décourager l'effort et l'initiative , il y a <br /> actuellement dans les sociétés que tu qualifies de "modernes" tout un éventail qui permet de formuler, selon son humeur et sa<br /> sensibilité, critiques et compliments également justifiables (et abondamment justifiés par leurs auteurs )
Y
Il est réconfortant d'être approuvé par un philosophe. Mais c'est sans trop rechigner que les français ont pris les armes en 1914, pour la boucherie et les ruines qu'on sait, puis en 1939, pour la défaite, l'occupation, et une participation à la victoire finale. <br /> Ce ne sont pourtant pas les citoyens, il me semble, qui ont manifesté, par la suite, leur lassitude et l'aspiration à une paix définitive, mais les responsables politiques de haut niveau, qui ont entrepris l'Union Européenne, et ont mené l'entreprise le plus loin possible, parfois envers et contre le peuple (2005).<br /> Ce qui a le plus marqué les esprits, en faveur de la démocratie, ce n'est pas le conflit armé, maist la révélation des méfaits horribles des dictatures, qu'effectivement, rien n'arrête.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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