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vive les sociétés modernes - abécédaire
16 avril 2010

O comme Organisation (et Etat)

Les sociétés modernes sont des sociétés essentiellement complexes. Des problèmes d'organisation s'y posent donc de manière inévitable. Ces problèmes sont d'autant plus aigus et urgents à affronter que la complexité est plus grande. Tous les penseurs le reconnaissent, y compris les penseurs libéraux (au sens européen du terme), même si ces derniers contestent que la tâche de coordonner les différentes activités et secteurs d'activités, notamment dans le domaine économique, revienne en priorité à l'Etat.

Force est de constater qu'au cours du dernier siècle, dans tous les pays occidentaux, y compris dans ceux qui professent le libéralisme, la présence, voire la mainmise de l'Etat (central et territorial) sur la société civile n'a cessé de croître. Comme l'écrit J.K. Galbraith : " Le moteur de l'évolution historique dans les pays non socialistes évolués, c'est l'organisation... Elle réside avant tout dans le vaste et omniprésent Etat moderne »*. Pour ne prendre qu'un seul exemple, celui-ci doit toujours plus s'impliquer dans l'organisation de la circulation automobile, à tel point que dans plusieurs pays du monde, dont la France, les véhicules individuels (autrefois extension du domicile) sont passés du domaine privé au domaine public (ceinture de sécurité obligatoire, interdiction de téléphoner etc.), et ce indépendamment des choix politiques des gouvernants. Cette emprise de l'Etat moderne s'est manifestée par une prolifération de lois et de règlements ainsi que par des dépenses publiques en augmentation constante dans tous les pays développés : (le pourcentage de ces dépenses par rapport au PIB passant ainsi entre 1910 et 2002, pour les USA de 8 à 39%, pour la GB de 13 à 41% et pour la France de 17 à 55%). On est loin du retrait massif de l'Etat annoncé parfois! Comme l'écrit encore Galbraith: « On trouvera l'Etat un rien trop gros ou un rien trop petit selon qu'on est conservateur ou social démocrate; mais tous les réalistes en tomberont d'accord, l'Etat continuera d'être très gros »*.

La mondialisation (ou la globalisation) n’a pas foncièrement modifié la donne, contrairement à une idée très répandue. Il existerait même selon Dani Rodrik une corrélation statistique entre l’ouverture d’une économie et la taille de l’Etat, cette ouverture devant être soutenue par l'Etat et suscitant à son tour dans la population un besoin accru de protection étatique.

Le débat: pour ou contre l'Etat? avait sans doute  un sens tant qu'on  pouvait se réjouir ou s'inquiéter à l'idée qu'un jour les hommes vivraient peut-être sous « un pouvoir immense et tutélaire » qui « pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages »**, mais aujourd'hui, les jeux ne sont-ils pas faits?

C'est pourquoi ni les dicours qui appellent à un désengagement massif de l'Etat, ni les discours opposés qui le dénoncent ne me paraissent vraiment convaincants.

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pierre gautier

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* Galbraith, La voix des pauvres 1984

** Tocqueville, De la démocratie en Amérique.

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Commentaires
Y
Le passage de l'économie rurale à la manufacturière, puis à l'industrielle, a, chaque fois, été créée ou stimulée, par le pouvoir politique à l'échelle nationale. L'État continue à être appelé au secours, ou à arbitrer tous les conflits socio-économiques. Sans oublier les politiques accaparant les leviers économiques par les nationalisations, qui ont encore leurs partisans.<br /> Cette tradition, de l'appel à l'État, est encore très ancrée dans les esprits, mais son application est contrariée par deux facteurs: l'inefficacité de la gestion étatique appliquée à l'entreprise, et l'ouverture européenne, puis mondiale, pour la bonne marche desquelles le dirigisme n'est pas applicable.<br /> La crise a montré la nécessité d'une vigilance et d'une disponibilité des états, dont les actions immédiates et coordonnées ont sauvé l'essentiel. Mais au fur et à mesure de la reprise des activités, les étayages sont progressivement retirés. La recommandation du FMI est que ce retrait ne soit pas précipité.
P
Pour des penseurs libéraux comme Hayek, et d'une manère quelque peu paradoxale, l'Etat est d'autant moins à même de traiter les problèmes d'organisation que les sociétés sont plus complexes, notamment sur le plan économique: "Le contrôle et le planisme ne présenteraient pas de difficulté dans une situation assez simple pour permettre à un seul homme ou à un seul conseil de d'embrasser tous les faits. Mais lorsque les facteurs à considérer deviennent si nombreux qu'il est impossible d'en avoir une vue synoptique, alors, mais alors seulement la décentralisation s'impose." (Hayek, "La route de la servitude")<br /> <br /> reste à savoir ce que vaut ce paradoxe au moins apparent?
Y
La différence entre l'État qui existe depuis la plus haute antiquité(Sumer, Chatal-Ayuk, Égypte, Assyrie) et les États modernes ne se situe que dans le sens (apparent) de leur fonctionnement. Centrifuge dans le premier cas, centripète, théoriquement consensuel, dans les états modernes.<br /> L'organisation elle-même ne diffère pas du modèle antique, dont les besoins sont à l'origine des inventions de l'écriture et de la numérisation. Pas d'État sans lettres et sans chiffres, et sans bureaucratie pour les utiliser. L'ambivalence à l'égard des états ne doit pas avoir fondamentalement changé. La soumission fondée sur la peur, depuis l'antiquité jusqu'à l'apparition des démocraties dans le monde occidental, ne s'est pas transformée en un consensus enthousiaste. Tout désordre, toute crise, crée un besoin d'État, précaire et révocable. Toute situation "normale" ramène le rapport à l'État à une paix "armée". Les fondateurs des états modernes n'ont pas oublié de les pourvoir des moyens coercitifs nécessaires à leur pérennité. L'actualité, marquée par une crise financière et économique, pousse à imaginer des liens organiques entre les états, pour donner à leur autorité l'échelle supposée efficace, mais on constate actuellement un recul de cette logique. Une gouvernance mondiale n'est pas pour demain.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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