N comme Nation (au défi de l'universalisme)
Nation au défi de l’universalisme et du cosmopolitisme présents dans les gènes des sociétés modernes.
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Les droits de l’homme sont déclarés comme universels. Est-ce que cela n’interdit pas à deux États qui reconnaissent cette universalité d‘entrer en conflit violent ? Kant pense qu’une société des nations devra voir le jour afin de faire respecter le droit entre les États sur le modèle de ce qui se passe à l’intérieur des États de droit. Le titre de son ouvrage comporte les deux mots qui nous intéressent : Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique.
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En principe, rien n’interdit de concilier l’attachement à cette communauté de destin qu’on appelle une nation avec l’universalité des droits et le cosmopolitisme du Droit.
Dans les faits, il a souvent fallu choisir entre les principes universalistes et la préférence pour son pays.
Ou bien on préfère le droit à son camp comme le fit Marlène Dietrich ou bien: « Right or wrong, my country » (les adversaires des droits universels leur objectent qu’il n’y a pas d’hommes sans racines nationales, et qu’il n’y a pas de valeurs supérieures à celles, forcément particulières, d’une tradition d’une culture d’une nation.)
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Dans cette querelle, à mon avis, les deux camps ont raison.
C’est effectivement une illusion de croire que la francité se ramène aux principes universels inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme. La France est une nation qui n’est pas née de 1789. Elle possède une identité nationale, comme les autres nations. Cette identité est historique, en devenir, comme celle d’un individu. Elle est aussi essentielle. Un vivant qui ne défendrait pas le maintien de son soi au cours de ses échanges avec les autres disparaîtrait, c’est le cas de le dire, corps et âme.
L’attachement à l’identité nationale de la France, à une façon de vivre particulière, à une mémoire particulière, à une sensibilité particulière, à un patrimoine et même à des préférences, n’empêche en rien de reconnaître l’universalité des droits de l’homme et de respecter les autres identités nationales. Mieux vaudrait d’ailleurs admettre, par exemple quand nous critiquons la justice italienne ou américaine, que nos convictions sont souvent des préférences nationales, plutôt que de faire la leçon aux autres pays au nom de l’universalisme.
L’universalité des principes n’implique nullement que les personnes, les nations et les cultures aient la même identité.
Cela paraît même aller de soi.
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André Sénik