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vive les sociétés modernes - abécédaire
28 octobre 2009

N comme Nation (au défi de l'universalisme)

Nation au défi de l’universalisme et du cosmopolitisme présents dans les gènes des sociétés modernes.

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Les droits de l’homme sont déclarés comme universels. Est-ce que cela n’interdit pas à deux États qui reconnaissent cette universalité d‘entrer en conflit violent ? Kant pense qu’une société des nations devra voir le jour afin de faire respecter le droit entre les États sur le modèle de ce qui se passe à l’intérieur des États de droit. Le titre de son ouvrage comporte les deux mots qui nous intéressent : Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique.

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En principe, rien n’interdit de concilier l’attachement à cette communauté de destin qu’on appelle une nation avec l’universalité des droits et le cosmopolitisme du Droit.

Dans les faits, il a souvent fallu choisir entre les principes universalistes et la préférence pour son pays. 

Ou bien on préfère le droit à son camp comme le fit Marlène Dietrich ou bien: « Right or wrong, my country » (les adversaires des droits universels leur objectent qu’il n’y a pas d’hommes sans racines nationales, et qu’il n’y a pas de valeurs supérieures à celles, forcément particulières, d’une tradition d’une culture d’une nation.)

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Dans cette querelle, à mon avis, les deux camps ont raison.

C’est effectivement une illusion de croire que la francité se ramène aux principes universels inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme. La France est une nation qui n’est pas née de 1789. Elle possède une identité nationale, comme les autres nations. Cette identité est historique, en devenir, comme celle d’un individu. Elle est aussi essentielle. Un vivant qui ne défendrait pas le maintien de son soi au cours de ses échanges avec les autres disparaîtrait, c’est le cas de le dire, corps et âme.

L’attachement à l’identité nationale de la France, à une façon de vivre particulière, à une mémoire particulière, à une sensibilité particulière, à un patrimoine et même à des préférences, n’empêche en rien de reconnaître l’universalité des droits de l’homme et de respecter les autres identités nationales. Mieux vaudrait d’ailleurs admettre, par exemple quand nous critiquons la justice italienne ou américaine, que nos convictions sont souvent des préférences nationales, plutôt que de faire la leçon aux autres pays au nom de l’universalisme.

L’universalité des principes n’implique nullement que les personnes, les nations et les cultures aient la même identité.

Cela paraît même aller de soi.

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André Sénik

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Commentaires
J
"Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d'être Français ou bien que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français que par hasard.<br /> Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille, et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l'oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l'Europe, ou qui fût utile à l'Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime." (MES PENSEES)<br /> Ces réflexions sont de Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu, seigneur de la Brède et autres lieux. Elles sont souvent citées dans le but de présenter l'auteur de l'Esprit des Lois comme rétif au nationalisme, comme citoyen du monde, voire comme partisan convaincu d'une Europe supranationale (un site propose même un fragment de cette citoyen inscrit sur le drapeau de l'Union européenne). <br /> Je les ai recopiées sur mon vieux Lagarde et Michard qui présnete, sous le titre "Son portrait", ce qu'on pourrait prendre comme un texte complet et organisé alors qu'il s'agit d'un assemblage de remarques discontinues tirées d'un ensemble touffu de notes manuscrites (biffées, reprises, raturées, annotées... par Montesquieu ou tel ou tel de ses divers secrétaires) rassemblées en trois cahiers. Il ne s'agit pas du tout d'un journal, ou d'un texte à intention autobiographique: si on y découvre de brèves notes à caractère personnel, des articles plus longs y figurent, ainsi que des pistes de travail, des renvois à des lectures ou à d'autres textes (publiés, eux)de l'auteur. Ces manuscrits constituaient sans doute comme une sorte de dossier portatif, d'aide-mémoire, de "sauvegarde" d'un travail en cours ou en projet. Montesquieu voyageait fréquemment et... il n'avait pas de clef USB (!) Le déchiffrage et le classement (chronologique? thématique?)de ces passages a dû être ardu et donner lieu à hésitations et controverses.<br /> En attendant l'édition critique en cours (Oxford Voltaire Foundation, on peut se reporter à l'édition Bouquins et à une édition numérique établie par des universitaires de Caen: celle-ci fait apparaître que les deux paragraphes que j'ai reproduits appartiennent en fait à deux passages séparés.<br /> Le grand moment de succès de ces pensées de Montesquieu fut leur édition par Bernard Grasset en 1941 après une grande vente de manuscrits en 1939: 18000 exemplaires vendus en six mois! Quel sens prenaient les lignes de Montesquieu pour les lecteurs d'alors? Une évocation de la valeur suprême du genre humain? Une caution apportée par les Lumières au cosmopolitisme? Une justification de l'idée que le souci de l'Europe (et quelle "Europe" en 41 pour Bernard Grasset??)passait avant celui de la patrie?<br /> Quelque spécialiste de la pensée de Montesquieu pourrait sans doute nous éclairer davantage, mais il me semble que le texte en question peut à bon droit être opposé aux tenants de la priorité à accorder, selon eux, aux intérêts de nos filles sur ceux de leurs cousines, à ceux de leurs cousines sur ceux de leurs voisines, à ceux de leurs voisines sur ceux des étrangères... La hiérarchie des valeurs proposée par Montesquieu part (en bas) du plus personnel et particulier pour s'élargir (en haut) à ce qui est le plus vaste et universel et je note que si les "utilités" les plus restreintes sont à ne pas proposer, à rejeter de son esprit, à essayer d'oublier... l'atteinte à ce qui est utile au genre humain est présenté comme un "crime".<br /> Montesquieu, précurseur de la notion de "crime contre l'humanité"?<br /> A noter également que celui qui n'est "Français que par hasard" (celui de la naissance) affirme ailleurs ceci:"Je suis un bon citoyen; mais dans quelque pays que je fusse né, je l'aurais été tout de même."
P
Cette page de Rousseau m'a surpris:<br /> <br /> « Si je te parlais des devoirs du citoyen, tu me demanderais peut-être où est la patrie, et tu croirais m’avoir confondu. Tu te tromperais pourtant, cher Émile ; car qui n’a pas une patrie a du moins un pays. Il y a toujours un gouvernement et des simulacres de lois sous lesquels il a vécu tranquille. Que le contrat social n’ait point été observé, qu’importe, si l’intérêt particulier l’a protégé comme aurait fait la volonté générale, si la violence publique l’a garanti des violences particulières, si le mal qu’il a vu faire lui a fait aimer ce qui était bien, et si nos institutions mêmes lui ont fait connaître et haïr leurs propres iniquités ? O Émile ! où est l’homme de bien qui ne doit rien à son pays ?...<br /> Ne dis donc pas : que m’importe où je sois ? Il t’importe d’être où tu peux remplir tous tes devoirs ; et l’un de ces devoirs est l’attachement pour le lieu de ta naissance. Tes compatriotes te protégèrent, enfant, tu dois les aimer étant homme. » ("Emile", 5e partie)
P
Il me semble que dans le débat actuel sur l’identité nationale, auquel il est difficile d’échapper, dès lors notamment qu’on se penche sur la notion de Nation comme on le fait ici, une distinction proposée par Simone Weil est peut-être éclairante (en dépit d’une formulation qui peut apparaître aujourd’hui étrange) :<br /> <br /> « On peut aimer la France pour la gloire qui semble lui assurer une existence étendue au loin dans le temps et l'espace. Ou bien on peut l'aimer comme une chose qui, étant terrestre, peut-être détruite, et dont le prix est d'autant plus sensible » <br /> La première forme de patriotisme relève de l’orgueil national « par nature exclusif, non transposable ». A la seconde façon d’aimer son pays, Simone Weil donne le nom de « compassion pour la patrie » et précise : « la compassion a les yeux ouverts sur le bien et le mal et trouve dans l'un et l'autre des raisons d'aimer. C'est le seul amour ici-bas qui soit vrai et juste. » (Weil, « L’enracinement »)
M
JE VOUS SALUE MA FRANCE<br /> <br /> de Louis Aragon écrit à la veille de la victoire de 44, 45<br /> <br /> Je vous salue ma France arrachée aux fantômes<br /> O rendue à la paix Vaisseau sauvé des eaux<br /> Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme<br /> Cloches cloches sonnez l'angélus des oiseaux<br /> Je vous salue ma France aux yeux de tourterelle<br /> Jamais trop mon tourment mon amour jamais trop<br /> Ma France mon ancienne et nouvelle querelle<br /> Sol semé de héros ciel plein de passereaux<br /> Je vous salue ma France où les vents se calmèrent<br /> Ma France de toujours que la géographie<br /> Ouvre comme une paume aux souffles de la mer<br /> Pour que l'oiseau du large y vienne et se confie<br /> Je vous salue ma France où l'oiseau de passage<br /> De Lille à Roncevaux de Brest au Mont-Cenis<br /> Pour la première fois a fait l'apprentissage<br /> De ce qu'il peut coûter d'abandonner un nid<br /> Patrie également à la colombe ou l'aigle<br /> De l'audace et du chant doublement habitée<br /> Je vous salue ma France où les blés et les seigles<br /> Mûrissent au soleil de la diversité<br /> Je vous salue ma France où le peuple est habile<br /> A ces travaux qui font les jours émerveillés<br /> Et que l'on vient de loin saluer dans sa ville<br /> Paris mon coeur trois ans vainement fusillé<br /> Heureuse et forte enfin qui portez pour écharpe<br /> Cet arc-en-ciel témoin qu'il ne tonnera plus<br /> Liberté dont frémit le silence des harpes<br /> Ma France d'au delà le déluge salut
M
Quelqu'un peut-il me dire ou trouver le poème d'Aragon où les mots "Ma France" reviennent en boucle au début de chaque strophe ou vers (je ne sais plus)? Ou peut-être le mettre en commentaire pour moi. Souvent les poètes ont le mot de la fin.<br /> Marianne
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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