M comme Ménécée (lettre d'Epicure à son ami).
Un texte ancien, pour affronter le futur.
Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, celle-ci est capable d'actions dont les effets dangereux sont de dimension cosmique : effet de serre, atteinte à la couche d'ozone, pluies acides, déforestation tropicale, stockage de déchets nucléaires, menace de disparition de maintes espèces vivantes...
La croissance économique des pays industriellement développés ou émergents, et celle du nombre d'habitants que porte la planète, font que non seulement une catastrophe écologique est probable, mais que celle-ci risque d'être accompagnée de tensions géopolitiques de plus en plus violentes pour l'appropriation des ressources naturelles .Et a fortiori en temps de crise du système comme celle que nous vivons aujourd'hui.
La lettre d'Epicure à son ami Ménécée est une invite à chercher un art de vivre, une éthique pour dépasser le malaise de notre civilisation technologique : passer d'une façon de vivre à une autre.
Certes il s'agit d'un art de vivre individuel et non pas de propositions politiques de réforme ni de réorganisation économique de la société ...
C'est un art de vivre « écologique » .Retenons ses 5 règles:
« ne pas craindre les dieux » mais « vivre comme des dieux parmi les hommes »: développer chez chacun le goût de la non-dépendance et la volonté de maîtriser sa vie.
« ne pas craindre la mort »: vouloir que nos actions quotidiennes contribuent à augmenter le plaisir de vivre.
« le plaisir de vivre est le critère du bien »: examiner chaque question (comment se nourrir?
où habiter? quelles études? quel travail? ) non du point de vue de l'avantage économique mais de celui de l'épanouissement de soi. .
« savoir hiérarchiser les besoins »: que notre consommation, nos actions et nos relations aux choses soient davantage déterminés par nos goûts que par la publicité. Et avons-nous besoin de toujours plus?
« la vie de plaisir se trouve dans la tempérance »: la préoccupation des limites dans la recherche des plaisirs aide à bien vivre.
Certes l'éthique épicurienne ne résout pas le problème tragique des inégalités parmi les hommes, et celui de l'augmentation accélérée des risques de la vie sur la terre que nous habitons.
Mais,comme l'écrit J.M.G.Le Clézio dans sa préface à l'Almanach du Comté des sables -le texte fondateur de l'écologisme, écrit par Aldo Léopold - « le sens révolutionnaire de l'Almanach, ... est simple et clair : que dans notre monde d'abondance de biens et d'appauvrissement de la vie , nous ne pouvons plus ignorer la valeur de l'échange et la nécessité de l'appartenance ... ce qui sera le souci du siècle à venir »
Relisons ce texte ancien (310 avant J.C.)!!Parce que....le sens révolutionnaire de l'éthique épicurienne c'est que dans notre société où règnent la loi du profit et les souffrances et les crises , nous ne pouvons plus ignorer la valeur du partage et la nécessité de la solidarité cosmique.
Sauf à penser : après moi le déluge!
Edith Deléage-Perstunski (philosophe)
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