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vive les sociétés modernes - abécédaire
13 mars 2009

M comme nouveau Management (nouvelle figure de la manipulation?)

Les techniques de management dans l'entreprise ont bien souvent mauvaise réputation, notamment dans les milieux intellectuels : elles sont tenues au mieux pour des gesticulations sans effet, au pire pour des moyens de manipulation au service unique du capital. Il s'agit là de préjugés qui manifestent une connaissance datée ou peu informée des évolutions en cours.

Manager ce n’est pas seulement « gouverner » les hommes, c’est aussi entreprendre, c'est-à-dire rechercher le nécessaire équilibre entre les salariés, les clients et les actionnaires pour permettre à l’entreprise que l’on dirige d’atteindre les objectifs qu’elle s’est préalablement fixés en vue d’assurer sa pérennité.

De nombreuses théories et pratiques tentent d'améliorer les concepts managériaux[1] mais à quelques exceptions près nous sommes toujours sous « le » régime taylorien ou néo-taylorien. La quasi-totalité des entreprises de par le monde est gérée par ces principes et théories établis au siècle précédent. Il suffit de constater que les entreprises matures ont toutes une hiérarchie semblable, des systèmes de contrôle comparables, des mécanismes de planification analogues, des systèmes d’information ressemblants, des pratiques de ressources humaines et des modes d’évaluation identiques. Pour s’en convaincre observons la facilité avec laquelle les dirigeants passent d’une entreprise à une autre : ils pilotent des aéronefs différents mais avec des machines et des tableaux de bord similaires.

Pourrait-on dire que ces théories managériales sont dépassées ? Il est difficile de l’affirmer lorsque l’on constate que l’essentiel de la croissance mondiale, tout au moins jusqu'à une période récente, est le fruit d’entreprises indiennes ou chinoises qui appliquent à la lettre les principes désignés. En revanche, l’affirmation sera contestable si l’on considère les entreprises occidentales qui entrent dans une ère post industrielle : une des causes, semble-t-il, qui bride la performance des entreprises occidentales, ce n’est ni le mode opératoire de celles-ci, ni le mode économique mais le mode de management.

Quel peut être le management qui permette aux entreprises d'accéder de façon spontanée au renouveau sans que les changements soient la cause de profonds traumatismes ? Quel peut être le management où l'innovation dynamise les activités au lieu de céder le pas aux attitudes frileuses, réactionnaires et contre productives ? Quel peut être le management qui incite les collaborateurs à donner naturellement le meilleur d'eux-mêmes et qui sache valoriser la passion et la créativité de chacun des salariés ?

Comment mettre en œuvre dans de bonnes conditions, tant pour les salariés que pour l’entreprise, les changements nécessaires à l’adaptabilité de l’entreprise ? Plus subtilement comment libérer la pensée managériale de l'influence omniprésente des pères fondateurs qui, pour efficace qu'elle soit, a pour effet de brider le capital humain ?

Il y a pour cela nécessité de changer de paradigme. Il ne faut pas jeter aux orties le taylorisme mais limiter l'utilisation de celui-ci aux seules fins d'organisation de la production. Une nouvelle vision, de nouveaux éléments doivent amener le manager à changer de focale : l’art du manager est de trouver le degré d’autonomie, la part d’initiative à laisser aux acteurs de l’entité économique pour que chacun puisse apporter à toute sollicitation de l’environnement la réponse la plus rapide possible et la plus pertinente.

Il faut trouver le bon équilibre entre les besoins de l’activité, qui est la finalité de l’entreprise, et les besoins de la structure, qui n'est que l’élément nécessaire à l'activité. Dans la genèse l'activité précède par essence la structure. Il ne faut pas que la structure étouffe l'innovation et que le management tel qu'on le pratique aujourd'hui fasse obstacle à la réussite. [2]

Le nouveau système managérial ne supprime pas les procédures existantes, mais favorise parallèlement la mise en place de principes qui permettent l'atteinte des finalités, c'est-à-dire de ce pourquoi l'entreprise existe, le tout combiné avec des mécanismes d'évaluation et de valorisation. Pour prendre une image, on peut faire un parallèle avec la conduite automobile : la finalité en est l'atteinte d'une destination au moyen d'un mode de déplacement.

Le management néo-taylorien ne précisera pas nécessairement la destination finale au conducteur, mais à chaque carrefour indiquera la route à prendre soit par des feux rouges soit par la présence d'agents de la circulation. Tout est calculé à l'avance il n'y a qu'à suivre le chemin…il n'y a qu'à produire.

L'autre mode managérial, s'il mentionne les règles et les principes liés à la conduite, indique en premier lieu la finalité de la destination. Le conducteur a la liberté, dans le respect des règles et des principes, de définir sa route. Le passage des ronds-points fait appel à son initiative et à ses discernements. Il peut dans ce cadre réagir aux aléas du parcours, faire preuve d'initiative et en période de troubles économiques plus certainement atteindre sa destination.

Depuis quelques décennies un certain nombre d'entreprises appliquent, sous une forme ou une autre, sans toujours les avoir formalisés les principes de primauté à l'activité, en favorisant des modes de management innovants : l’Oréal, Dassault Systèmes, Google… Qu’est-ce qui les caractérise ? La vérité oblige à dire que leurs salariés y ont gagné en autonomie, en motivation et même en épanouissement (si on accepte de les écouter et de ne pas considérer que leur parole est manipulée ou aliénée). Cela n'est certainement pas étranger à la position de leader de ces entreprises sur leur marché.

Frédéric Monié

Conseil en organisation et en management

[1] Le management tel que nous le connaissons aujourd’hui a été pour une bonne part théorisé par Henri Fayol (1841-1925). Sa méthode et ses théories ont été reprises et enseignées aux Etats-Unis puis « réimportées », à l’issue de la deuxième guerre mondiale, par les consultants nord américains en Europe et notamment en France. Avant Fayol, les dirigeants ne se préoccupaient que de commander et de contrôler. Fayol préconise 3 autres tâches importantes dans la fonction de direction : prévoir, organiser, coordonner. Il apporte ainsi dans le domaine administratif une contribution tout à fait comparable à celle que Taylor (1856-1915) propose à la même époque pour les activités de production.

[2] Comme le précise Lapra, initiateur d'un nouveau système de management dit management de l'initiative : «C’est ici la difficulté du management qui est sur le fil du rasoir oscillant entre trop de désordre (anarchie) et trop d’ordre (la rigidité). Il est par conséquent vital de rechercher le degré de complexité qui tient compte à la fois de la finalité du système et des pressions de son environnement». Jean-Pascal Lapra "L'Evaluation du personnel : pour une nouvelle approche" Ed. Liaison 2006



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Commentaires
U
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T
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J
L'homme au travail se trouve irrémédiablement coincé entre deux grandeurs (ontologiques, morales, existentielles). <br /> Autrui comme à une fin en soi: tu es mon égal, tu m'inspires des sentiments, des peines, j'ai pour toi ou non de l'estime, bref, nous vivons une aventure humaine tout en travaillant ensemble.<br /> Autrui comme un moyen: tu es mon collègue, mon collaborateur, mon supérieur : je t'utilise et je négocie avec toi pour réaliser des tâches nécessaires pour atteindre des objectifs sur lesquels, attention, l'entreprise me juge. <br /> De cette dialectique ininterrompue naissent une variété de situations humaines dans l'entreprise, avec comme paramètres supplémentaires importants: le temps, les choses, la technologie... <br /> La contradiction est certes profitable sur le plan de la production des richesses. Mais philosophiquement insurmontable, car toujours recommencée, renouvelée par les circonstances.<br /> <br /> De là naît le concept inouï d'un homme (ou une femme) qui saurait avec art "manipuler" ces grandeurs pour: 1-rester humain et 2-utiliser les autres et être soi-même utilisé comme un moyen. <br /> Quelle magnifique et impossible idée !<br /> Impossible, ou presque: paradoxalement, si le management n'était pas à prendre au sérieux, si les gens qui managent et sont managés acceptaient de bon coeur de se prêter à cette comédie, tout comme au théâtre, que nous nous jouons pour prétendre surmonter la foison de contradictions que nous rencontrons au travail... enfin si nous jouions à être managés et à manager, alors le management aurait un sens. <br /> Et tel est bien le cas ! chacun se prête au jeu, et fait "comme" s'il pouvait être traité à la fois comme fin et comme moyen, dans l'entreprise. Gare, d'ailleurs, à celui qui n'a pas compris les règles particulières de ce jeu: la souffrance, peut-être aussi la violence, ne sont pas loin.<br /> <br /> C'est cela qui me semble "nouveau": le management ne relève plus tout à fait d'un rapport travailleur/ entreprise: on parle alors aujourd'hui de "gestion des ressources humaines"...Marx parlait d'aliénation. Le management relève plutôt, dans les sociétés "modernes", de la contradiction réciproque qui animent les hommes entre eux dans une entreprise faite monde ("mondialisée"). <br /> Faire comme si on pouvait s'utiliser en même temps comme des fins (libres) et des moyens (de réaliser des objectifs), voilà toute l'énormité, ou toute la finesse, de ce manège...
P
Taylor, en 1909, illustre la naissance de la "science du travail" par un exemple, celui de la manutention des gueuses de fonte. Après avoir choisi avec soin un ouvrier "énergique", qui "avait également la réputation d'être près de ses sous et d'attacher une très grande valeur à chaque pièce d'un dollar", et lui avoir présenté son assistant, il lui dit: "Eh bien, si vous êtes un ouvrier bien apprécié, vous ferez exactement ce qu'il vous demandera demain, tout au long de la journée. Quand il vous dira de prendre une gueuse, vous la prendrez et la transporterez; quand il vous dira de vous asseoir et de vous reposer, vous vous assiériez. Et de plus, vous ne discuterez pas. Un ouvrier bien apprécié fait exactement ce qu'on lui dit de faire et il ne discute pas les ordres. Comprenez vous bien? Quand cet homme vous dira de vous asseoir, vous vous assiériez, et vous n'entamerez pas de<br /> discussion avec lui. Bon, vous viendrez travailler ici demain matin, et nous saurons avant la fin de la journée si vous êtes réellement un ouvrier que l'on peut payer à sa juste valeur". D'après Taylor,<br /> l'ouvrier en question "ne cessa jamais de travailler à cette allure et d'accomplir la tâche qui lui avait été fixée pendant les trois années durant lesquelles l'auteur resta à Bethléem." (cité par J.Theureau)
Y
La bonne marche d'une oeuvre collective, au moins par le nombre de participants, ne peut échapper à un certain nombre de règles, qui "aliènent" tous ceux qui s'y prêtent.<br /> Il y a un but qui transcende l'ensemble, produire et vendre, mener le bateau à bon port, réussir un grand spectacle, faire jouer juste un orchestre.<br /> Il semble y avoir une dimension critique, à partir de laquelle les participants perdent de vue le but, et donc le sens de leur participation.<br /> Il n'est pas pensable que l'oeuvre devenue difficile soit abandonnée. <br /> Quelle est alors la meilleure manière offerte au management pour maintenir au moins la cohésion et l'efficacité de l'entreprise?<br /> L'existence de conseillers en management montre que les hommes aux postes de commande ne disposent pas du "diagnostic", et donc du traitement de la crise qui frappe subitement l'entreprise. Il est habituel qu'au sein d'une entreprise, même en bonne santé, la parole ne soit pas vraiment libre, que l'information remonte mal.<br /> Le rôle des intervenants extérieurs comporte une partie "information" préalable à tout choix de solution.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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