Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
vive les sociétés modernes - abécédaire
23 mai 2008

I comme Ignorance

L’ignorance a de la chance : elle est placée avant le savoir dans le dictionnaire.

Elle aurait pu être notre chance. De ne pas l’avoir saisie nous a fait perdre le Paradis (il n’ y a pas que notre mythe à nous qui le dit !)

Comme pour le cannabis, le pavot ou la feuille de coca, plus on la combat, plus on la cultive. Elle fait partie de la biodiversité. Si on la laisse disparaître, on ne la retrouvera pas. Que d’emplois perdus ! Que de désordres publics en perspective !

Quelles nations se disputeront pour en accueillir le conservatoire ? La nôtre, peut-être ?

Je suis sûrement pessimiste. Elle est pour certains une religion, et rien ne se conserve mieux qu’une religion. « Je ne veux pas le savoir » est sa proclamation de foi.

Contre elle, il y a une foule de saints laïques. Prêts au martyr pour le triomphe de la connaissance, qui vaut tous les paradis (qu’ils disent). Ils complotent sur http://www.moderne.canalblog.com

Yves Leclercq

Publicité
Publicité
Commentaires
Y
Ce ne sont pas seulement vos élèves, cher Raphaël, qui sont pris pour des imbéciles. Vos collègues et vous, aussi. Et les inspecteurs, aussi, par leur hiérarchie. Je ne saurais pas vous dire, n'étant pas du sérail, à quel niveau d'articulation s'arrête le dogme de l'incompétence du subordonné.<br /> <br /> La République n'est donné comme obligation de faire passer dans la réalité le principe, écrit dans sa devise, de l'égalité. Non plus seulement l'égalité des chances, amorcée par l'école de Jules Ferry, mais, mieux, l'égalité tout court, réserve étant faite de vingt pour cent d'indécrottables.<br /> <br /> 80% de bacheliers, puis 80% de licenciés, de docteurs, d'agrégés,le pari de la République accepté avec fierté par l'Éducation Nationale est en marche. Elle est simplement en tête de notre société, comme le sergent-major marche en tête du Régiment.<br /> <br /> Comme maintenant une caissière est une hôtesse de caisse, un médecin généraliste, un spécialiste de médecine générale, un praticien chevronné qui donne des cours et reçoit en stage des carabins en fin d'études, un futur(il l'espère) Professeur de Faculté de Médecine, tout entrant au CP est présupposé finir diplômé d'études supérieures, Bac+ n, le nombre "n" étant voté par le Parlement sur proposition du Président de la République.<br /> <br /> En attendant, l'Éducation Nationale organise sa Grande Armée, capable de défiler dans sa totalité, en ordre impeccable, sur les Champs Élysées, un 14 Juillet du futur. Il faut pour y parvenir qu'elle marche au pas, aussi bien que nos beaux soldats, qu'on va voir et complimenter. Car c'est vrai que c'est ce qu'il y a de plus beau qu'on puisse attendre d'une armée.<br /> <br /> Bon, je reviens au sérieux. L'égalitarisme forcené implique ce dont vous souffrez. Une obligation de résultats va plus loin qu'une obligation de moyens. Il faut les manipuler pour qu'ils soient présentables. Un jour, une de vos collègues m'a dit qu'on l'avait invitée, elle et d'autres correcteurs, à donner une note NON ÉLIMINATOIRE aux copies blanches. C'est la logique imparable du système.<br /> <br /> J'espère pour vous et pour tous les enseignants et les enseignés que l'autonomie qu'on essaie de faire accepter à l'Université contaminera progressivement les autres échelons de l'éducation.<br /> C'est le seul point sur lequel j'admets un "bon-vieux-temps": l'École et le Lycée des années 40-50 ne connaissaient pas pas vos problèmes.<br /> <br /> P.S. Si je peux vous donner un conseil: sortez par le haut du système. Vous en avez l'étoffe.
R
Un des points sur lesquels les coordinateurs nationaux des épreuves du bac ont insisté est celui de l'égalité entre les candidats à l'échelle nationale. Ce sur quoi ils ont, me semble-t-il, tout à fait raison. Ainsi ont-ils pu faire appel à notre "conscience professionnelle" pour nous plier à leurs "consignes".<br /> <br /> Il s'agissait pour moi de ma première correction, aussi n'ai-je certainement pas tous les éléments me permettant de comprendre certaines contradictions sur cette même exigence, affichée avec tant de force.<br /> <br /> Lors de la séance d'harmonisation de mon jury (300 candidats de STG), nous avons eu comme consigne de "repêcher" jusqu'à 20 points (en fonction du livret scolaire, qui a été réellement pris en compte) les candidats. 20 points sur 400 (pour avoir la moyenne) ne sont pas chose négligeable (5%). Une collègue qui était dans un jury de L a eu comme consigne de repêcher jusqu'à 30 points ! Une autre qui siégeait dans un jury de S, 10 points. Je ne comprends pas très bien ces écarts, d'autant plus qu'ils interviennent dans des commissions d'harmonisation, moment où l'équité nationale est assez facile à appliquer, au moins formellement. Peut-être faudrait-il voir les coefficients respectifs des filières et calculer si ces "points" conservent la même proportionnalité entre les filières ? Mais j'en doute : il ne me semble pas que la filière L a un total de coefficient supérieur à 3 fois celui de la filière S.<br /> <br /> RL
R
Ce texte est très long. Mais si j’ai passé du temps à l’écrire c’est pour essayer de ne pas en rester à des généralités sans cesse répétées. J’invite ceux qui veulent savoir pourquoi leurs enfants sont pris pour des cons et des idiots par l’institution scolaire à le lire. Il n’engage que moi, mais pas un des professeurs avec qui j’ai parlé du sujet jusqu’à maintenant n’était en désaccord. Bien au contraire…<br /> <br /> Je m’octroie donc une pause dans les corrections du baccalauréat d’histoire-géographie de la section STG pour vous faire part de mes sentiments quant à la « revalorisation » de cette filière. Je vais tâcher d’être le moins ennuyeux et technique possible, sans pouvoir toutefois couper entièrement court à des considérations un tant soit peu précises. L’objet de ce commentaire est assez simple : les élèves sont pris pour des idiots et par la même occasion le travail des professeurs également. J’avais jusque là toujours refusé ce genre de discours, très généralisant et appartenant à l’éternelle mode de la disqualification du niveau… …jusqu’à avant-hier. Mardi 24 juin, des inspecteurs ont réunit tous les profs d’HG de l’académie de Versailles (la plus importante de France), pour présenter la nouvelle épreuve d’une filière du bac. Pour que les choses soit très claires, j’évoquerai ici trois points successivement :<br /> 1/ Rapide présentation de la filière STG<br /> 2/ Les attendus de l’épreuve d’histoire géographie<br /> 3/ L’épreuve en question et les « propositions » (et non pas « consignes » comme il nous a bien été martelé) de correction. C’est dans cette dernière partie qu’il me faudra décortiquer la majeure partie de l’épreuve.<br /> <br /> 1. La filière STG<br /> Les élèves de STG obtiennent un bac technologique qui les oriente plus précisément dans le monde du travail, sans toutefois suivre une formation professionnelle, que les filières générales L, ES et S. Il ne s’agit nullement d’un bac pro donc, et pour justifier ce fait, la présence importante de disciplines dites « générales » (math, histoire, français) est essentielle. Cette filière, qui est l’ancienne STT, est actuellement dans une dynamique de revalorisation (HAUSSE des exigences), ce qui est très louable. Ceci a entraîné de nombreuses réformes des programmes et des épreuves, notamment en histoire-géographie (HG).<br /> <br /> 2. L’HG en STG<br /> L’HG compte pour un coefficient 2 (plusieurs épreuves valent 3 ou 4 fois plus, ce qui ne me semble d’ailleurs pas anormal). Jusqu’à cette année, l’épreuve consistait en un entretien oral d’une vingtaine de minutes, durant lequel l’élève devait répondre à une question de manière à peu près organisée dans un premier temps, puis ensuite le professeur l’interrogeait sur un document et enfin venait les questions (approfondissement, précision, recadrage…).<br /> Désormais c’est à la sauce écrite (jugée plus valorisante) que les candidats sont mangés. Cette épreuve se divise en deux parties. C’est un tout petit peu compliqué mais TRES important pour la suite :<br /> - une première partie sur 10 points commune à tous et qui se compose de petites questions de connaissances<br /> - une seconde partie sur 10 points consistant en l’étude d’un ou deux documents. Le candidat a le choix entre 2 sujets, un d’histoire et un de géographie. Mais comme pendant l’année l’enseignement s’est déroulé d’une façon un peu particulière n’amenant pas les élèves de tout le pays à traiter les mêmes « sujets d’étude », il y a au final 4 sujets. Je m’explique : pour chaque thème de cours (par exemple la mondialisation), il y a un cours commun (sur lequel porte la première partie du bac) et un exemple approfondi au choix du professeur parmi deux proposés (ici le café ou Internet). Ca sera plus clair avec l’analyse pratique…<br /> Cette année les deux thèmes qui sont tombés ont été les relations internationales en histoire et la mondialisation en géographie. Les élèves avaient donc le choix entre une étude sur l’Algérie contemporaine ou l’Inde contemporaine (pour les relations internationales) s’ils optaient pour l’histoire ou bien le café ou Internet (pour la mondialisation) s’ils préféraient se confronter à la géographie. Il ne devait de toute façon n’en traiter qu’un seul des 4.<br /> <br /> 3/ L’épreuve en question<br /> La réunion avec les inspecteurs a duré 3 heures et a réuni environ 60 professeurs sur les 95 convoqués. Elle s’est déroulée en deux parties : tout d’abord nous ont été présenté les sujets et les attendus de correction (avec une terrible langue de bois puisque les termes de « consignes » ont toujours été refusé alors même qu’il s’agissait bien de cela : strictement pour la première partie et quasiment pour la seconde). Dans un deuxième temps nous avons appliqué ces généralités sur deux copies réelles…<br /> Le premier moment a été très houleux. Les inspecteurs, assez mal à l’aise, ont expliqué que la première partie ne portait que sur des connaissances : il suffit qu’un élève écrive le mot juste pour que sa réponse soit valide, même sans AUCUNE rédaction. A la limite, cela peut se justifier, pourquoi pas. La consigne est de valoriser et donc de ne pas prendre en compte ce qui est faux même si cela montre clairement que l’élève n’a pas compris ce qui lui était demandé. Deux exemples concrets. Selon un des inspecteurs qui reconnaissait nous fournir uniquement son point de vue personnel, à la question sur 1 point « Citez les dirigeants des deux grandes puissances mondiales au début de la Guerre froide », si l’élève écrit Truman pour l’URSS et Staline pour les Etats-Unis on met 0,5 point… A la question sur 2 points (difficile, c’est vrai) demandant de justifier par « deux arguments précis » que la Cinquième République est une démocratie représentative, si l’élève argumente comme ceci (j’ai déjà eu plusieurs fois le cas) : parce que le président de la République est élu au suffrage universel, qu’il peut avoir les pleins pouvoirs et qu’il ne peut pas être renversé par le Parlement, c’est correct pour 1 point (1 argument : « suffrage universel »). Peu importe que la suite de sa réponse soit plus que tendancieuse et démontre qu’il recrache des connaissances au risque de flirter avec le contresens ! Il a écrit son « mot magique ». J’indique au passage une mignonne question de définition en QCM sans justification demandée ni point pénalisant en cas d’erreur (certes sur 1 point seulement…). Après avoir discuté avec les professeurs de mathématiques, j’ai appris qu’eux aussi ont eu une question à choix multiple sans justification nécessaire. Bien…<br /> L’argument, que je peux accepter, des inspecteurs, pour calmer des profs grincheux a été de nous dire que dans la seconde partie nous pourrions évaluer avec toute la rigueur de notre discipline l’élève. Comme nous allons le voir, cette seconde partie est en réalité pour 7 à 8 points sur 10 du pur recopiage des documents et va ainsi à l’encontre même de notre méthodologie. Mais avant de développer cela, j’aimerais donner quelques précisions sur les corrections communes et épiques des deux copies. Ces copies, anonymes, avaient été corrigées le matin par une commission interacadémique comprenant des inspecteurs et des professeurs (nous ne savons pas dans quelle proportion). Il faut reconnaître qu’ils ont eu le temps de bien les lire et d’y réfléchir lorsque nous avons du nous contenter d’une projection murale avec défilement assez rapide de la copie sans aucun temps de réflexion. Cela étant dit…<br /> La première chose qui en est ressortie et soulignée à souhait a été l’éventail de note : de 6 à 12 pour la seconde et aussi large pour la première (je l’ai oublié). Il a fallu plusieurs interventions pour souligner toutefois que c’était alors faire mentir les « statistiques » puisque à chaque fois une écrasante majorité de professeurs avait noté dans une fourchette bien plus serrée (environ 80% des profs ont noté entre 7 et 10 la seconde copie, et même entre 8 et 10). C’est pas mal pour quelque chose fait à l’arrachée. Sur cette copie seulement un professeur avait mis 6 et deux avaient mis 12, voilà de quoi resserrer un éventail qui pouvait apparaître monstrueux. Bref, il nous a alors été demandé « de nous remettre en question, car le matin même la commission avait donné 13 à cette copie » ! Fantastique ! C’est aux 60 professeurs assemblés, au contact des élèves toute l’année, dont pas un seul n’est monté jusqu’à cette note moyenne ou consensuelle de se remettre en question ! A partir de ce moment un certain nombre d’entre nous a commencé a quitté la salle, s’estimant légitimement pris pour des imbéciles [cela étant dit, après avoir moi-même terminé de corriger mes 100 copies, je comprends mieux le 13/20 tellement le reste est affligeant ; mais je ne comprends toujours pas la maladresse significative du ton employé]. Mais il est utile de voir dans le détail la notation, et particulièrement de la première partie, normalement peu soumise à de grands écarts puisque avec un barème très strict et CONTRAIGNANT. Un exemple : les élèves doivent replacer sur une carte du monde 4 figurés d’une légende. Il nous a été dit qu’au nom de la rigueur, si l’élève n’est pas capable de reporter le bon figuré, il n’obtient pas les points, parce que tout de même c’est une chose qu’on lui enseigne depuis la 6e (ouf !). Par ailleurs il nous a également été clairement dit que chacune des 4 informations valait 0,5 point. Résultat : l’élève a eu entre 1,5/2 et 0,5/2 quand les 60 profs l’ont noté et… 2/2 par la commission du matin. Et pourtant : 2 de ses 4 figurés n’étaient pas conformes à ceux de la légende (ce qui d’emblée fait normalement descendre à 1/2), la mégalopole américaine n’était pas assez bien localisée (elle incluait la Floride, ce qui dans les consignes de cette même commission était à noter comme faux) et il y avait encore une chose tendancieuse que j’ai oublié… Bref, elle a eu tous les points au prétexte que l’élève avait su localiser 3 bourses mondiales au lieu d’une (relire les consignes précédentes) ; c’est à nous de comprendre l’ « esprit » de la réponse et ne pas chipoter (ça c’est pour les figurés). Si vous ne comprenez pas, ou trouvez les propos contradictoire, c’est que vous êtes logique et cohérent. J’ai hier eu une copie d’un élève qui m’a indiqué plusieurs bourses mondiales : une en Bolivie, une dans le grand nord canadien, une en Sibérie, New-York entre Seattle et Los Angeles, une dans la péninsule du Kamchatka, une en Sardaigne, une vers la Suisse et… une sur le Japon. Sans exagérer, je dois normalement lui donner 0,5 point parce que la dernière est correcte et qu’il ne faut pas dévaloriser mais ne retenir QUE le correct. Si je ne le fais pas mais que d’autres professeurs, qui ont plus de « conscience professionnelle » et ne veulent pas pénaliser un candidat par rapport à d’autres au niveau national le font, je suis injuste envers lui. Je vous laisse le soin de tirer les conclusions quant au respect de la rigueur intellectuelle et méthodologique de notre discipline et les problèmes moraux voire éthique que cela soulève (excepté pour les profs-machines). Cela dit en passant, ce sont ces mêmes inspecteurs qui nous évaluent dans notre métier d’enseignant environ 5 à 6 fois en moyenne dans une carrière de 40 ans, une seule heure à chaque fois suivie d’un entretien. Que dois-je penser en tant que jeune enseignant ?<br /> <br /> Vient maintenant la partie la plus désespérante. Parce que jusque là je n’ai évoqué que la première moitié du devoir sur 10, portant sur des pures connaissances. Voyons donc ce qu’il en est des 10 points avec lesquels nous allons « exercer notre art d’enseignant », évaluer la substance de notre discipline. Un mot avant toute chose : il n’y a pas de barème pour cette partie (c'est-à-dire que nous évaluons globalement sur 10 l’ensemble des réponses aux 4 ou 5 questions). Voilà les « recommandations [officielles] de correction » de cette partie. Je cite : « Cette partie de l’épreuve amène le candidat :<br /> - à dégager l’apport d’un document à la connaissance d’une question figurant dans les programmes ou à la compréhension d’une notion ;<br /> - ou à mettre en relation deux documents, pour en dégager les points communs, les différences, les oppositions ou les complémentarité »<br /> Le principal écueil dans une étude de document est la paraphrase, normalement très lourdement sanctionnée, et qui consiste en une redite du contenu d’un document sans apport d’informations ou de réflexion personnelle. Les inspecteurs nous ont d’ailleurs formellement demandé de sanctionner la paraphrase. MAIS : en réalité, je les cite, « nous attendons de l’extraction d’informations avant tout ». Bienvenu chez les Shadocks. Pour résumer ce qui s’est passé avant de détailler, les candidats n’ont dans les faits eu qu’à répéter ce qu’il y avait dans les documents, puisque jamais plus d’une question sur les 4 ou 5 ne les invitait à élargir la réflexion. Et comme vous allez le voir cette « extraction » d’informations était des plus facile. Sans exagérer, vraiment, sans mauvaise langue et en toute objectivité, un élève qui n’avait pas du tout traité le café, mais Internet (et inversement), pouvait juste à partir des documents atteindre légitimement et facilement 7 à 8 sur 10 au vu des exigences attendues. C’est une honte. Cette partie dans laquelle nous évaluons normalement la critique documentaire, la sélection d’informations et toutes autres compétences, s’est limitée à une redite des documents avec encore une fois la consigne de « valoriser » en refusant de pénaliser les erreurs éventuelles (difficiles à faire de toute manière).<br /> <br /> Détaillons.<br /> <br /> Sujet sur le café : « Commerce : un grand marché mondial, le café »<br /> Question 1 : « Présentez les deux documents (en précisant leur source, leur destinataire et leur thème). »<br /> Cette question ne demande même pas au candidat de savoir comment on présente un document puisque la parenthèse le guide. Que sont ces documents ? 2 publicités tirées d’Internet avec très peu de texte, extrêmement aisé à recopier donc sans aucun effort de sélection d’informations. Pour l’identification des destinataires le document 1 comporte cette phrase : « Au service de tous les intervenants dans la filière du café au Rwanda ». Qu’attend-t-on de l’élève ? Qu’il recopie simplement. Mieux : je vous cite les « recommandations de correction » : « Le thème commun est la commercialisation du café (on admettra comme réponse : le café) ». C’est beau, non, la rigueur géographique ? Y-a-t-il seulement un abruti d’élève pour écrire comme thème commun le thé ou la vente de voiture ? Après correction effective je réponds à ma question rhétorique : oui et non. Sur 70 élèves qui ont pris ce sujet parmi les copies que nous avions avec un ami, un seul a confondu « thème » et « destinataire ». Comme quoi ce n’était effectivement pas si facile…<br /> <br /> Question 2 : « Comparez les arguments de vente. »<br /> Je rappelle que c’est une épreuve de géographie et que cette discipline s’attache à analyser l’organisation d’un espace… Mais bon, comme les STG font pour certains d’entre eux du marketing, j’imagine que ma remarque n’est pas de bon ton et que cette question les invite en fait à la transdisciplinarité. On attend qu’ils recopient encore une fois les documents, qui sont très clairs sur ce point (« amélioration des conditions de vie », authenticité, convivialité (dixit notre pensum : « une jeune femme épanouie dans le cadre du travail, buvant une tasse de café »). Il faudrait aussi que l’élève « géographe » nous dise que l’entreprise Van Houtte cherche à fidéliser ses clients : « cafetière de la filiale [offerte] qui ne fonctionne qu’avec des dosettes ». Mais malgré tous ces splendides éléments de réponses que le prof de géographie que je suis va pouvoir (a pu) évaluer selon la rigueur de sa discipline, voici ce que les recommandations de corrections me disent une fois de plus : « si le candidat n’a pas mentionné tous les arguments de vente, ne pas le pénaliser. On attendra particulièrement la certification équitable. » Voyez la question 3.<br /> <br /> Question 3 : « Identifiez et définissez précisément le type de commerce auquel le document 2 fait référence. Justifiez votre réponse pas une analyse des informations fournies pas le document. »<br /> Quel est ce commerce ?... le commerce équitable ! Là c’est un peu plus géographique, à condition que l’élève prenne sur lui de spatialiser la chose, mais redondant n’est-ce pas ? Vous n’avez rien vu, attendez les questions sur Internet !<br /> <br /> Question 4 : « En quoi le marché du café s’inscrit-il dans la mondialisation et ses tentatives de régulation ? »<br /> Unique question vraiment géographique et pour laquelle il faut effectivement des connaissances.<br /> <br /> <br /> Sujet sur Internet : « Communication : le développement de l’internet. »<br /> Question 1 : « Donnez une définition d’Internet. »<br /> Pas du tout géographique, mais attendu puisque vu dans le cours.<br /> <br /> Les 4 questions suivantes soulèvent strictement la même notion (inégalité de développement entre Nord et Sud) et invitent le candidat à dire 4 fois la même chose mais à des échelles d’analyse différentes, et encore une fois en répétant soit le document (qui consiste en une carte des internautes à l’échelle mondiale), soit le terme clé de la question 4 qui comporte dans sa formulation l’expression très importante de « fracture numérique » (sûrement aurait-il été trop difficile de demander au candidat de la formuler par lui-même). Qu’attend-t-on donc ? Eh bien que l’élève dise en réponse 2 que les pays du Nord ont plus d’internautes que les pays émergents qui eux-mêmes en ont plus que les PMA (Pays les moins avancés). Notre corrigé est ici tellement nul que les inspecteurs nous ont demandé de ne pas le respecter (en guise de typologie on nous proposaient simplement de citer le nom des pays les plus connectés). En réponse 3, que le candidat dise que la Chine a moins d’internautes que les Etats-Unis mais plus que l’Allemagne, mais que comme elle est bien plus peuplée il faut en fait raisonner en terme de taux de population : ce qui démontre qu’elle est moins développée que les pays du Nord. En réponse 4 notre élève doit dire que l’Amérique latine a moins d’internautes que l’Amérique du nord. Je vous laisse deviner pourquoi par vous-même ? C’est un espace du Sud et donc moins développé (allez, le super candidat précisera que le Brésil et l’Argentine sont un peu mieux connectés que leurs voisins, comme la Chine vis-à-vis de l’Ouzbékistan ou de la Mongolie). En réponse 5 il faut dire la même chose, mais… à l’échelle mondiale, un peu comme la question 2 mais avec une petite ouverture sur le cours supplémentaire : « En quoi la diffusion d’Internet révèle-t-elle l’organisation de l’espace mondial ? »<br /> <br /> Je fais vite pour les deux sujets d’histoire : 5 questions sur un document traitant de l’Inde (ce document est un extrait d’article de la revue L’Histoire, ce qui n’est même pas une source historique donc, mais un texte très clair et sans aucune difficulté !). Uniquement la dernière question n’est pas de la pure « extraction d’information », les 4 premières se limitant à une redite du texte. 5 questions sur la politique économique de l’Algérie dans les années 1960-1970 (là encore un des deux documents est un extrait d’un livre d’histoire, donc pas une source, à moins que l’on ne demande aux élèves d’analyser la politique éditoriale engagée des éditions Maspero !). Uniquement les deux dernières questions n’invitent pas à la pure paraphrase. Je vous recopie les trois premières en guise d’illustration :<br /> « Quelle est la nature de chaque document ? En quoi sont-ils complémentaires ? »<br /> « RELEVEZ les choix économiques de Houari Boumédiene (doc 1). A quel type de politique de développement ces choix se rattachent-ils ? » (Je vous rassure, pour la seconde partie de la question tout est dans le texte ou presque, mais je reconnais qu’il y a là un petit plus demandé).<br /> « RELEVEZ dans le doc 2, des données chiffrées qui confirment la phrase soulignée du doc 1. » Quel fantastique effort analytique demandé à l’élève boiteux qu’on affuble de béquilles.<br /> <br /> Voilà. Voilà comment nos élèves, vos enfants, sont pris pour des idiots. Voilà comment notre travail est déconsidéré puisque pratiquement aucune des exigences que nous attendons ne sont ici nécessaires pour atteindre 14 ou 15 (et je suis très gentil). Que faire ? Etant encore sous le coup de la colère et des corrections je n’ai pas beaucoup réfléchi, mais j’ai des pistes :<br /> 1. Cesser de manifester pour demander plus de professeurs dans les écoles et les lycées, mais se concentrer sur les dépenses médicales par exemple, bien plus utiles. Moi je n’ai rien à voir dans l’acquisition des compétences exigées pour pondre cette bouillie. Je le dis clairement : si on me donne 100 élèves par classe de STG, ET les moyens d’assurer la discipline (parce que là, comme ils vont rapidement avoir conscience qu’il n’est pas nécessaire de travailler pour réussir, maintenir le calme risque d’être très difficile, surtout avec un petit coefficient 2), je pense pouvoir remplir ma tâche aussi honorablement qu’avec une classe de 25 ou 30. Par contre ça sera très éprouvant pour moi, mais la qualité de mon « enseignement » ne devrait pas trop s’en faire ressentir.<br /> 2. Exercer mon « devoir de révolte ». C'est-à-dire refuser de prendre ces hommes et femmes que j’aurai pendant 2 heures par semaine pour des cons et faire des choses autrement plus constructives. Le bac ? Un poly par thème de 2 pages, soit 12 pages au total, devrait pouvoir leur permettre de gagner les points attendus. Cela implique de passer outre certaines recommandations d’en haut et peut peut-être me pénaliser pour ma « carrière ». Mais comme nous sommes peu contrôlés et que de toute façon, financièrement, cela joue mais par dans des proportions considérables, le jeu en vaut peut-être la chandelle. Envisageable en tout cas.<br /> <br /> Il me semble que rien ne sert de perdre son temps avec une institution scolaire qui s’autojustifie et congratule et n’a comme premier objectif que de donner de tels bacs de manière massive. Ce n’est pas l’école à laquelle je crois, ce n’est pas l’enseignement que j’aspire à faire. Que je le veuille ou non, comme j’ai pu l’écrire dans un précédent billet (cf « Haine »), je SUIS l’Ecole aux yeux des élèves, et je dois par ailleurs, si j’en suis les réflexions d’Hannah Arendt, assumer le monde en tant qu’adulte auprès des élèves. Ces deux assertions me mettent face à un dilemme puisque l’école réelle est déconnectée du monde réel mais également de l’école théorique, celle du discours. Triste constat.<br /> <br /> Raphaël Loffreda<br /> <br /> PS : malgré toute ma bonne volonté pour noter comme attendu (ce que j’ai fait), j’ai obtenu 10,59 de moyenne. Un ami a obtenu 10,57 et une autre collègue 10,56. Pas mal comme régularité, non ?
Y
Les rédacteurs du Livre de la Genèse s'en étaient aperçus. Les mythes identiques ou proches sont nombreux. La trahison de Promethée, la boite de Pandore. <br /> <br /> C'est aussi un thème romanesque: "Barbe-Bleue", "Da Vinci code", "Au nom de la Rose"<br /> <br /> "Eppure, voï sapere" aurait pu dire Galilée.<br /> <br /> Une citation à déguster:"Il est facile de gouverner un peuple qui ne se sert de sa tête que pour y mettre un chapeau." a écrit un auteur portugais de l'époque Salazar.<br /> <br /> Le point de vue de Nietzsche est un "festival d'hypocrisie". <br /> <br /> De toute façon, quoiqu'on dise, il se trouve toujours quelqu'un pour transgresser l'interdit, pour ouvrir le livre défendu.
P
Dans la Seconde considération intempestive, Nietzsche évoque les dangers de la connaissance historique pour les peuples, surtout si cette connaissance est désintéressée, objective,scientifique: « Pour parvenir à maturation chaque peuple, chaque homme même, a besoin d'un tel voile d'illusion, d'une telle enveloppe protectrice; mais aujourd'hui on déteste la maturation sous toutes ses formes, car on vénère l'histoire plus que la vie (...) Il y a des oiseaux qu'on aveugle pour qu'ils chantent mieux; je ne crois pas que les hommes d'aujourd'hui chantent mieux que leurs ancêtres, mais je sais qu'ils ont été aveuglés de bonne heure. Or le moyen, l'infâme moyen dont on use pour cela, consiste à les soumettre à une lumière trop vive, trop brutale, trop changeante » Cette lumière est celle de l'histoire: « Le jeune homme est mené tambour battant à travers les millénaires (...) Pour le dire sans apprêt: la jeune âme est soumise à un tel déferlement de faits étranges, barbares, brutaux, « fondus en chocs hideux », qu'il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans une insensibilité délibérée. Sur une conscience vive et vigoureuse, ce traitement produit une autre impression , une impression de dégoût. Le jeune homme est devenu un déraciné qui doute de toutes les coutumes et de toutes les idées ». Troublant non?<br /> Pour dire les choses autrement encore notre exigence de transparence totale n'est-elle pas inconsidérée?
vive les sociétés modernes - abécédaire
  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Publicité