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vive les sociétés modernes - abécédaire
21 janvier 2008

F comme Finance/Financiarisation

La finance a mauvaise presse, elle est du côté de la spéculation, de la cupidité, de l’enrichissement sans cause, quand la production est du côté de la création de richesse, du travail, de l’esprit d’entreprise.

Pourtant la finance remplit trois fonctions sans lesquelles nul développement économique n’est envisageable : elle permet la gestion de la monnaie, elle permet le transfert de valeur dans le temps, elle rapproche épargnants et emprunteurs.

Le commerce au loin, les échanges n’ont pu prospérer qu’avec le développement de la monnaie, cet équivalent général selon Marx, qui permet de sortir du troc, et la naissance de la Banque, seule à même de garantir à distance les transactions par l’émission de lettres de crédit et le développement de la monnaie fiduciaire.

L’entreprise, l’activité productive, l’investissement n’ont pu émerger et croître que parce que certains acteurs économiques étaient prêts à avancer l’argent nécessaire à l’investissement et à la production, en faisant le pari qu’ils pourraient se rembourser sur la création de richesse future. Cette capacité de la finance à transférer de la valeur dans le temps reste un mécanisme économique fondamental.

Enfin la transformation de dépôts dans les comptes courants bancaires en crédits aux entreprises, aux particuliers et aux Etats, c’est-à-dire la transformation de liquidités à tous moments exigibles en crédits finançant des activités à moyen et long terme est un dispositif majeur de l’économie de marché car il suppose la création d’institutions de la confiance.

Plus près de nous la Finance moderne a même fait une percée dans la lutte contre la pauvreté avec le micro-crédit, le développement de l’innovation avec le capital risque, la protection de l’environnement avec le développement de marchés de permis d’émission de gaz à effet de serre.

La financiarisation de l’économie est l’expression couramment retenue pour caractériser l’impérialisme de la finance. Trois éléments permettent d’en rendre compte.

Avec l’apparition d’investisseurs professionnels (gestionnaire des retraites) et la globalisation financière, l’entreprise est devenue un actif comme un autre qui doit être géré au bénéfice exclusif de son propriétaire, l’actionnaire. La création de valeur pour l’actionnaire a remplacé l’entreprise communauté sociale tendant à concilier les intérêts des salariés, des clients et des actionnaires.

Avec le développement de l’innovation financière et la libéralisation financière, le rôle traditionnel de la banque dans le financement des entreprises a reculé au profit du développement des marchés financiers. La désintermédiation est un des éléments majeurs qui expliquent le recul progressif des variétés nationales de capitalisme et la convergence en Occident vers un capitalisme de marchés financiers de type américain.

Enfin une industrie financière est née dont les activités vont de la fabrication de produits à la couverture des risques en passant par la notation, l’analyse, la gestion, la commercialisation de produits financiers hybrides. La gestion du risque a quitté la banque où elle était centralisée au profit d’institutions qui le disséminent dans le public.

Les crises financières naissent de la formation périodique de bulles d’actifs que les régulateurs nationaux ou internationaux ne parviennent pas à prévenir.

                                                

             Elie Cohen (économiste) 

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Commentaires
Y
La mauvaise réputation du crédit et de ses intérêts vient d e son apparition sous forme d'usure, marquée par l'abus de position dominante (le riche prête au pauvre). <br /> <br /> Mais, légalisé, encadré, exposé à la concurrence par l'abondance de l'offre, l'intérêt d'un crédit n'est pas différent du loyer d'un bien, comme un logement, une voiture pendant un voyage, un costume à l'occasion d'une fête ou d'une cérémonie.<br /> <br /> La plupart des emprunts des particuliers comportent des remboursements mélangeant l'intérêt et le remboursement échelonné du capital. Les proportions réciproques évoluent en sens inverse. À la fin l'emprunteur est devenu le propriétaire de fait de l'argent emprunté.<br /> <br /> Toutes les religions du Livre* ont eu du mal à s'accommoder de la réalité de l'économie marchande et de ses mécanismes annexes. L'islam, la dernière née, n'y est pas encore parvenue. Certains théoriciens socialistes, continuateurs laïques de l'idéalisme religieux, pas davantage.<br /> <br /> * Les économistes n'ignorent pas le poids de l'imprégnation religieuse dans le taux de réussite des actions économiques.
P
Quelques théoriciens socialistes français du 19° siècle ont reconnu nettement le rôle économiquement productif des activités bancaires : c’est notamment le cas de Saint-Simon qui, dans sa Parabole (1810), classe les « cinquante premiers banquiers » de France, aux côtés des cinquante premiers physiciens, mécaniciens, maçons… parmi « les Français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les produits les plus importants… » ; et ce n’est pas par hasard si on compte plusieurs banquiers parmi le Saint-Simoniens (les frères Rodrigues, Pereire, Arlès Dufour…). <br /> Mais la plupart des socialistes ont une attitude beaucoup plus critique à l’égard des activités bancaires qui permettent d’obtenir des revenus sans travailler, grâce à l’intérêt payé indûment au capital : « l'intérêt du capital, illégitime en droit, absurde et monstrueux en principe, spoliateur en fait, commande l'anathème de tous les hommes de bien, la malédiction des races opprimées, et la juste indignation de quiconque porte une âme généreuse et pleine de sympathie pour tout ce qui souffre et pleure ». (F.C.Chevé, rédacteur de la Voix du Peuple) <br /> A noter au passage l’ambivalence de Proudhon sur le prêt à intérêt, par exemple dans cette lettre à F.Bastiat :<br /> « Nous nions d'abord, ceci vous le savez de reste, nous nions avec le christianisme et l'Evangile, la légitimité en soi du prêt à l'intérêt; nous la nions avec le judaïsme et le paganisme; avec tous les philosophes et législateurs de l'antiquité. Car vous remarquerez ce premier fait, qui a bien aussi sa valeur; l'usure n'a pas plutôt paru dans le monde, qu'elle a été niée. Les législateurs et les moralistes n'ont cessé de la combattre, et s'ils ne sont parvenus à l'éteindre, du moins ont-ils réussi jusqu'à certain point à lui rogner les ongles, en fixant une limite, un taux légal à l'intérêt. <br /> Telle est donc notre première proposition, la seule dont, à ce qu'il semble, vous ayez entendu parler: Tout ce qui, dans le remboursement de prêt, est donné en sus du prêt, est usure, spoliation: Quodcumque sorti accedit, usura est. <br /> Mais ce que vous ne savez point, et qui vous émerveillera peut-être, c'est que cette négation fondamentale de l'intérêt ne détruit point, à nos yeux, le principe, le droit, si vous voulez, qui donne naissance à l'intérêt, et qui, malgré les condamnations de l'autorité séculière et ecclésiastique, l'a fait perdurer jusqu'à nos jours (…). <br /> Expliquons mieux cela, s'il est possible. <br /> D'un côté, il est très-vrai, ainsi que vous l'établissez vous-même péremptoirement, que le prêt est un service. Et comme tout servie est une valeur, conséquemment comme il est de la nature de tout service d'être rémunéré, il s'ensuit que le prêt doit avoir son prix, ou, pour employer le mot technique, qu'il doit porter intérêt. <br /> Mais il est vrai aussi, et cette vérité subsiste à côté de la précédente, que celui qui prête, dans les conditions ordinaires du métier de prêteur, ne se prive pas, comme vous le dites, du capital qu'il prête. Il le prête, au contraire, précisément parce que ce prêt ne constitue pas pour lui une privation; il le prête, parce qu'il n'en a que faire pour lui-même, étant suffisamment d'ailleurs pourvu de capitaux; il le prête, enfin parce qu'il n'est ni dans son intention, ni dans sa puissance de le faire personnellement valoir; parce qu'en le gardant entre ses mains, ce capital, stérile de sa nature, resterait stérile, tandis que par le prêt et par l'intérêt qui en résulte, il produit un bénéfice qui permet au capitaliste de vivre sans travailler. Or, vivre sans travailler, c'est en économie politique aussi bien qu'en morale, une proposition contradictoire, une chose impossible. » (troisième lettre à Frédéric Bastiat sur la Gratuité du crédit)
Y
Merci à Aristote d'avoir rappelé que grâce à lui et à d'autres maîtres grecs, "Nihil novi sub sole"!
A
Cher monsieur Élie Cohen<br /> Vous écrivez "la monnaie, cet équivalent général selon Marx."<br /> J'ignore à quelle époque ce Marx aurait fait cette découverte révolutionnaire. Permettez-moi de vous rappeler ce que j'ai moi-même écrit dans mon "Éthique à Nicomaque", il y a quelques dizaines de siècles. J'y tiens à mon antériorité, car la propriété intellectuelle est la seule dont je peux jouir actuellement.<br /> "Il ne peut exister de communauté de rapports entre deux médecins ; en revanche, la chose est possible entre un médecin et un laboureur, et, d'une façon générale, entre gens différents et de situation dissemblable. Toutefois, il est indispensable, auparavant, de les rendre égaux. Aussi faut-il que toutes choses soient en quelque façon comparables, quand on veut les échanger. C'est pourquoi on a recours à la monnaie qui est, pour ainsi dire, un intermédiaire. Elle mesure tout, la valeur supérieure d'un objet et la valeur inférieure d'un autre, par exemple, combien il faut de chaussures pour équivaloir à une maison ou à l'alimentation d'une personne, faute de quoi, il n'y aura ni échange ni communauté de rapports. Ce rapport ne serait pas réalisé, s'il n'existait un moyen d'établir l'égalité entre des choses dissemblables. Il est donc nécessaire de se référer pour tout à une mesure commune comme nous l'avons dit plus haut.<br /> Et cette mesure, c'est exactement le besoin que nous avons les uns des autres, lequel sauvegarde la vie sociale ; car, sans besoin, et sans besoins semblables, il n'y aurait pas d'échanges ou les échanges seraient différents. La monnaie est devenue, en vertu d'une convention, pour ainsi dire, un moyen d'échange pour ce qui nous fait défaut. C'est pourquoi on lui a donné le nom de nomisma parce qu'elle est d'institution, non pas naturelle, mais légale (nomos : la loi), et qu'il est en notre pouvoir, soit de la changer, soit de décréter qu'elle ne servira plus. En conséquence, ces échanges réciproques auront lieu, quand on aura rendu les objets égaux."<br /> <br /> Bien à vous cher monsieur Éie Cohen<br /> Aristote
G
Merci d'abord pour ces éclaircissements.<br /> <br /> On comprend qu'une régulation internationale est nécessaire mais les organismes et instruments créés à l'issue de la seconde guerre mondiale (par exemple le FMI) ne sont-ils pas obsolètes? Ne faut-il pas en imaginer de nouveaux, mieux adaptés à la mondialisation actuelle?
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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