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vive les sociétés modernes - abécédaire
24 octobre 2007

D comme Duel

Les sociétés modernes interdisent le recours à la justice privée , au droit de se faire justice soi-même. Cette interdiction est absolue.  Rappelons que la légitime défense ne constitue pas une exception à ce principe: se défendre sur le coup pour stopper une agression physique n’est pas se faire justice (après coup).

Cette disposition est à coup sûr un progrès dans l’ordre de la civilisation. Il n’est pas question de le remettre en cause. Il n’empêche : cette solution, pour nécessaire qu’elle soit dans sa radicalité même,  peut être amère. Une note de l’Emile (livre IV), consacrée à la question du duel, le fait apparaître : en matière d’honneur, explique en substance Rousseau, nul tribunal ne peut se substituer à moi : « Un soufflet et un démenti (insulte) reçus et endurés ont des effets civils que nulle sagesse ne peut prévenir, et dont aucun tribunal ne peut venger l’offensé ». Un tribunal peut sanctionner celui qui m’a déshonoré : il n’y a que moi qui puisse récupérer mon honneur. « Il ne dépend pas de l’homme le plus ferme d’empêcher qu’on ne l’insulte, mais il dépend de lui qu’on ne se vante longtemps de l’avoir insulté ».

Certains progrès de la civilisation coûtent parfois bien cher.

Pierre Gautier

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Commentaires
E
Oui, nous l'avions compris : Vous n'êtes pas pour le rétablissement de la possibilité des duels pour "laver" son honneur bafoué.<br /> <br /> La différence qui saute aux yeux (en tout cas qui m'apparaît clairement) entre devoir laver son honneur par un duel qui en appelle à versement du sang et d'autre part rechercher à rétablir son honneur face à des calomnies médiatisées, sont les suivantes:<br /> <br /> - dans le premier cas, les griefs sont clairement mis en évidence et l'affrontement est justement duel. Le règlement s'opère entre deux personnes repérées et nommément désignées.<br /> <br /> - dans le second, même si il peut arriver que des personnes calomniatrices soient repérées et nommées, la plupart du temps, ce qui pose problème pouvant aller jusqu'à l'autodestruction "salvatrice" de la personne mise en cause, c'est le fait que c'est essentiellement la personne qui est désignée pour l'opprobre supposée, à la vindicte publique, ainsi que l'amplification et la médiatisation.<br /> Dans ces conditions-là, quand le mal est fait et que l'on est est innocent de ce dont on est accusé, rétablir son honneur n'est pas aisé. D'autant que "le système", amis et ennemis confondus dans la circonstance, vous rejette et vous abandonne à votre triste sort.<br /> <br /> La justice institutionnelle est en principe là pour faire la part des choses, rendre justice au faits et aux personnes calomniées, et par la même est censée vous donner les moyens de laver votre honneur bafoué. Quand à l'entremise et office médiatique...<br /> <br /> Cela montre que nous sommes tous des humains... possiblement améliorable.<br /> Certains s'y efforcent. Force est de reconnaître que certains s'y entendent pour savoir rétablir les apparences de la dignité et de la vertu offusquée.
P
merci pour ces commentaires très enrichissants.<br /> je suis notamment très sensible à la remarque de Magali rapportée par Raphaël Loffreda, selon laquelle il est possible que "dans une société où le duel n'existe plus, l'homme se retrouve finalement seul face à lui-même pour rétablir son honneur, contraint de revivre à l'intérieur de son être le rituel du duel."<br /> je ne souhaite nullement le retour des duels; je voulais simplement dire qu'il y a certains affronts qu'aucun tribunal ne peut laver (je ne suis pas sûr que la publicité du jugement change complètement la donne).
E
À mon sens, le suicide, seul, à deux ou collectif..., est toujours un échec.<br /> Il est celui celui d'une relation à soi, aux autres et aux événement que la vie amène en manifestation. <br /> Il est lié à une non maturation de l'individuel et/ou du collectif.<br /> Il est "l'aveu" d'un échec qui ne peut se dire par la parole et la personne qui l'opère (certain disent "qui le commet", indice qu'au moins une part de faute lui est conférée) ne trouve que cet acte terminal "réussi" pour exprimer de manière indélébile au su, vu et entendu de tout le monde, ce ratage.<br /> <br /> Je renvoie à certains sujets traité sur ce moderne canal blog, tels :<br /> - "L comme lynchage", auquel vous avez contribué. <br /> - "M comme mépris" (Michel Guérin, (I.U.de F.), avec ma propre contribution placée il y a peu : <br /> <br /> En regardant hier soir cette émission de T V : "Un jour, un Destin" sur france 2, ce qui était surprenant (en tout cas ça l'a été pour moi qui, bien qu'adulte, ai su préserver dynamique, mon âme d'enfant avec la part de naïveté inhérente), c'est la non remise en question de la part de responsabilité - ne serait-ce que par passivité -, de chacune des personnes ayant contribué, d'une manière ou d'une autre au déroulement des événements qui ont abouti à cette issue fatale. Que d'actes intentionnels réussis, que d'actes manqués !!<br /> <br /> Il était visible que, des années après cet évènement dramatique, une certaine émotion passait dans le ton des paroles et les postures des personnes interrogées.<br /> Il était possible aussi, de lire dans certains regards quelques passages par de la culpabilité... Cependant, je n'ai pratiquement pas repéré de parole ou d'attitude faisant marque de la part des interlocuteurs proches ou lointain de monsieur Bérégovoy, de la moindre reconnaissance de responsabilité de leur part.<br /> Nous sommes là, je crois face à un déni généralisé d'acceptation de responsabilité.<br /> <br /> Peut être pas coupables, c'est admissible (cela dépend des cas), mais ne pas savoir retrouver sa part de responsabilité de fait, sa part contributive aux évènements de cet ordre : Non. Ce n'est pas acceptable dans une vie partager en communauté partagée.<br /> Pour chacun de nous, savoir agir en conséquence de sa propre responsabilité et, si cela nous a échappé sur le moment, savoir le reconnaître plus tard, c'est faire preuve d'être adulte et dé fusionné d'avec le maelström collectif.<br /> <br /> Avant de zapper pour courir après quelque autre lièvre, tout un chacun d'entre-nous devrait approfondir ce genre de réflexion et étudier jusqu'au fond les "cas" Salengro, Bérégovoy et autres de manière à en retirer sans culte de la culpabilité, toute la leçon.
R
Nous avons regardé avec mon amie en peu de temps deux programmes télévisuels, de plus ou moins bonne qualité, mettant en scène le suicide d'hommes politiques français pour des raisons semblables, la mise en cause de leur réputation, à savoir Roger Salengro en 1936 accusé d'avoir été lâche durant la Première Guerre mondiale et Pierre Bérégovoy en 1993, d'avoir été corrompu. Dans les deux cas bien sûr, c'est la diffamation, la diffusion massive de l'information par la presse, d'éléments qu'ils jugeaient faux, salissant leur honneur ainsi que celui de leur famille qui les a poussé à cet acte radical. Je note au passage que les deux sont issus d'une classe sociale inférieure et sont des hommes qui se sont faits eux-mêmes, et ne se sont pas simplement "donné la peine de naître", bref...<br /> <br /> Mon amie m'a alors fait une remarque qui me semble pertinente : peut-être que dans une société où le duel n'existe plus, l'homme se retrouve finalement seul fasse à lui-même pour rétablir son honneur, contraint de revivre à l'intérieur de son être le rituel du duel. Il est à ce jeu bien sûr un perdant-gagnant, à tous les coups.<br /> <br /> Pour compléter mon commentaire précédent, je dirai néanmoins, dans la perspective d'un suicide-duel, que les morts de Salengro ou de Bérégovoy ne prouvent nullement le courage au front de l'un ou la probité de l'autre.<br /> <br /> RL
R
Le problème n'est pas ici entièrement bien posé il me semble. Ce qui lave l'honneur n'est pas uniquement la décision de justice, mais également sa publicité, la diffusion de cette décision. Mais il est sûr que la "sagesse" populaire avec ses baratins de fumées et de feux n'est pas pour favoriser ce progrès de civilisation.<br /> <br /> Un film relativement récent met en scène un prêtre catholique accusé de pédophilie dans le Harlem des années 1960. La mère supérieure diffuse insidieusement des rumeurs à son propos. Lors d'un sermon, DEVANT toute la communauté des fidèles (celle-là même qui par l'intermédiaire de la mère l'accuse) le prêtre développe une parabole afin de signifier le mal que cause la rumeur sur la réputation d'un homme. Je retranscris de mémoire cette parabole très pertinente :<br /> <br /> "Il s'agit d'un homme important, connu de tous, accusé par une femme de crimes odieux. Cette femme s'empresse de semer le doute dans sa communauté à son propos par des mensonges abjectes. Un jour qu'elle se rend compte de tout le mal qu'elle a commis elle vient voir l'homme pour s'excuser et obtenir son pardon. Mon pardon ? lui répond-t-il, je ne peux te le donner si facilement. Prend un oreiller, monte sur la plus haute maison et déchire-le dans le vent, puis revient me voir. La femme perplexe fait ce qui lui a été demandé et revient voir l'homme. Alors ? vous me pardonnez ? Pour cela répond-t-il, il faudra que tu me rapportes toutes les plumes de l'oreiller qui se sont éparpillées, emportées par le vent. Mais c'est impossible ! répond-t-elle. Certainement dit l'homme, autant qu'il m'est impossible de pardonner une faute irréparable".<br /> <br /> Certes l'histoire est étonnante de la part d'un prêtre catholique qui use à longueur de journée de la confession, mais très éclairante. Un duel ne ramasse nullement toutes les plumes (ce en quoi une décision de justice a plus de chance de réussir malgré tout), il démontre simplement que parce que l'on est plus fort que l'autre, plus courageux ou plus habile, on est plus dans son droit : il s'agit en un sens de crever un plus gros oreiller par dessus le précédent, c'est tout. Ce n'est pas vraiment tout si l'on réfléchit à l'origine des duels, à leur signification d'ordalie, de jugement divin qui choisit son héros... mais ceci n'est déjà plus que balivernes au XVIIIe siècle de Rousseau, a fortiori aujourd'hui. Comment protéger une vertu en en invoquant une autre, par exemple la probité par la violence.<br /> <br /> Non, il n'y a aucune justice dans un duel, et il est ENTIEREMENT bon et positif que la justice les ai condamner. Il me semble qu'il n'y a aucune réserve à cela. Cela étant dit je reste aussi réservé sur la capacité de la justice à rendre un verdict juste, mais je pense qu'elle reste malgré tout et potentiellement la mieux placée pour le faire. Mieux que mon courage personnel en tout cas.<br /> <br /> RL
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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