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vive les sociétés modernes - abécédaire
29 septembre 2007

C comme Coran (lire le)

Une expression  revient régulièrement dans le Coran:

" celui ou ceux qui accusent de mensonge cette religion (ou nos signes);

  celui ou ceux qui traitent la vérité (ou le Coran) d'imposture"

On croit comprendre que c'est une manière de désigner les infidèles, les mécréants et plus généralement ceux qui ne reconnaissent pas la vérité de l'islam, et qu'il faut donc "combattre" par la parole (et selon certains extrémistes par les armes).

Tout semble clair… Et cela paraît corroborer l'idée commune d’un Coran sectaire et vengeur.

Pourtant c'est une erreur d'interprétation qui est dissipée par la sourate CVII, si on veut bien prendre sa lettre au sérieux. Cette sourate est l'une des dernières dans l’ordre du livre (le Coran en comporte 114) et cependant l'une des premières chronologiquement puisque l’une de celles qui furent composées à La Mecque. Elle a pour titre les Ustensiles ou, selon d'autres traductions, l'Aide, le Nécessaire... et se propose explicitement de définir qui sont ceux "qui accusent cette religion de mensonge".

Elle ne compte que sept versets et réserve au lecteur une surprise :

«  1-Que penses-tu de celui qui traite cette religion de mensonge?

   

(Ou selon d'autres traductions:

     Vois-tu celui qui traite de mensonge le jugement?

     Vois-tu celui qui nie le Coran?

    Ne vois-tu pas celui qui dément la religion ?)

   

    2-C'est celui (ou lui) qui repousse l'orphelin.

 

   3-Qui n'excite point les autres à nourrir le pauvre.

   4-Malheur à ceux qui font la prière,

   5-Et la font négligemment;

   6-Qui la font par ostentation,

   7-Et refusent les ustensiles nécessaires à ceux qui en ont besoin »

Réponse étonnante. On attendait que soient stigmatisés ainsi l'athée, l'incroyant, l'idolâtre, celui qui n'adopte pas la religion musulmane, éventuellement le juif ou le chrétien.

Rien de tout cela. L’opprobre vise "Celui qui repousse l'orphelin » et qui, tout en faisant la prière, « refuse les ustensiles nécessaires à ceux qui en ont besoin », selon une idée omniprésente dans l'ensemble des dernières sourates,"données à La Mecque": voir notamment Le Territoire (XC), La Nuit (XCII).

   

L'ennemi de l'Islam ou du Coran est ainsi défini non par ses options religieuses, mais, indépendamment de celles-ci, par son attitude à l'égard des orphelins et plus généralement à l'égard de ceux qui souffrent. Autrement dit, ce qui distingue le partisan de l'adversaire du Coran n'est pas d'ordre théorique mais pratique. La marque de la croyance en la vérité du Coran, ce n'est pas l’adhésion à des affirmations théologiques (monothéisme absolu...), ni la seule pratique rituelle (prières…) mais le fait de ne pas être indifférent à ceux qui sont frappés de déréliction.

Dès lors, une autre compréhension de ce que sont les infidèles s'ouvre : l'infidélité n'est pas le fait du non musulman mais l'indifférence à l'égard des orphelins et de la souffrance d'autrui qui menace tout homme, quelles que soient ses options religieuses ou leur absence. Elle est une faute potentiellement commune à tous, à commencer par le musulman lui-même à qui s'adresse d'ailleurs cette sourate en priorité.

Et le combat qu'il faut mener contre l'infidèle n'est pas combat contre autrui mais combat contre soi, contre l'infidèle, l'insensible qui est en soi.

Dimension à proprement parler évangélique du Coran, rappelant la parole de Jean : "Celui qui prétend aimer Dieu et qui n'aime pas son frère est un menteur" (première Epitre) .

PG.

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Commentaires
E
La lecture de ce thème et le commentaire qui s'y applique m'invite à me poser une question avec un corolaire et vouloir en partager les tenants et aboutissants :<br /> - Question : <br /> Les êtres qui ont été pris pour fondateurs de religions ont-ils réellement voulu créer un assemblage collectif de personnes se réclamant d'un système d'idées émises par eux, qui exclue les autres modes de pensées et de comportement ?<br /> Les précisions sur le thème du Coran exprimées ci-dessus, semblent donner une réponse négative à cette question.<br /> Il semble que les courants de vie qui ont été placés à l’origine des trois religions monothéistes se soient adressés à ceux qui se voulaient disciples, puis adeptes, dans le sens de se réformer, eux, dans leur mode de penser et de se comporter.<br /> Il apparaît qu’ils ont incité leur entourage, ceux qui venaient les écouter puis ceux qui (après leur départ de ce monde manifeste) voulaient se référer à leur enseignement, à se placer eux-mêmes dans une attitude de trouver et exploiter en eux-mêmes ces pensées et comportement d’altruisme, de partage.<br /> Je pense et j’ai pu constater dans mes observations qu’en aucun cas il est productif et efficace pour soi-même et les autres (mes semblables différents) de vérifier si l’autre, les autres, observent les préceptes que j’ai choisi de suivre. C’est du temps et de l’énergie perdue en pure perte au détriment de notre propre voie de recherche et de vie.<br /> Et qui plus est, c’est un facteur de désordre patent.<br /> <br /> Ceci est une vérité criante, mais qui l’entend ?<br /> <br /> = Corolaire : <br /> Est-il correct, à partir d'idées altruistes de partages prônées par de "grands visionnaires" au clair avec eux-mêmes et la nature réelle des choses de la Vie, de vouloir bâtir des systèmes grégaires de pensées et comportements communs uniformisant ?<br /> Pour la part de vie en commun qu’il m’appartient de gérer, je pense que non. Et je rebondis sur mon propos précédant pour dire et formuler le vœu que chacun dans sa sphère d’influence s’occupe prioritairement de ses pensées et comportements propres en excluant de se préoccuper à priori de ce que pensent et font les « autres ». <br /> Vœu pieu ? <br /> <br /> - Puisqu’il s’agit dans ce sujet du Coran et des préconisations du Prophète, remarquons avec eux que la véritable, la grande guerre, est celle que nous avons à mener vis-à-vis de nous même !<br /> = Tâchons de ne pas nous tromper d’« ennemi » !!
Y
Votre lecture attentive du Coran, dénichant une précision capitale qui devrait atténuer le jugement qu'on porte habituellement sur la religion qui s'en réclame, aurait mérité des commentaires.<br /> Pourquoi l'histoire de l'islam a-t-elle démenti globalement cette réserve initiale, source logique de la tolérance?<br /> Parce que la tolérance est un phénomène individuel, raisonné, et minoritaire. Une tolérance groupale est improbable. <br /> Religion de seigneurs, l'islam en a vite pris les traits les plus prévisibles: guerres, conquêtes, soumission des peuples conquis. La vitesse de l'expansion de l'islam est tout à fait remarquable. Celle du christianisme fut beaucoup plus laborieuse. Mais s'accéléra sur le même mode: en s'anoblissant.<br /> Dans un cas comme dans l'autre, la pureté des intentions se troubla à la mode...humaine.<br /> Il manque à l'islam une autorité centrale, qui n'est pas sans problèmes, mais qui peut engager des réformes, des prises de conscience, qui engagent l'ensemble (même si toutes les branches du christianisme ne se considèrent pas soumises au Pape, elles se définissent par rapport à ses prises de position).<br /> L'absence de cette autorité indépendante des pouvoirs temporels favorise les interprétations utilitaires des textes.
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  • Cet abécédaire est élaboré progressivement. Les contributions proviennent d'horizons (professionnels, disciplinaires, philosophiques...) divers. Il voudrait être un témoignage sur notre époque.
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