Adversaires et ennemis.
Dans une démocratie, il serait bon de ne pas traiter de la même manière tous ceux que l’on peut être amené à combattre. En particulier, considérer comme des ennemis des adversaires dont on sait par ailleurs qu’ils sont démocrates est regrettable. Il ne faudrait traiter comme ennemis que les adversaires de la démocratie elle-même. Mettre sur le même plan un démocrate et un ennemi de la démocratie est insoutenable théoriquement mais surtout funeste : comment ne pas voir qu’une telle pratique est dangereuse pour la démocratie elle-même ? Or il n’est pas si difficile de distinguer un démocrate et un ennemi de la démocratie : est démocrate celui dont on ne peut douter qu’arrivé légalement au pouvoir, il l’abandonnera s’il est battu aux élections (présidentielles ou législatives) suivantes ; est ennemi de la démocratie celui dont on peut craindre qu’arrivé légalement au pouvoir, il sera prêt à mettre tout en œuvre pour le conserver, par exemple en utilisant tous les prétextes pour éviter d’organiser de nouvelles élections : la démocratie est d’abord la possibilité pour un peuple de déposer ceux qui le gouvernent sans effusion de sang . L’alternance politique est la preuve par le fait que la droite et la gauche modérées, en France, sont démocratiques : il serait temps en conséquence qu’elles parviennent à se considérer comme des adversaires et non plus comme des ennemis.Comme l'écrit K.Popper:"Du point de vue moral, il est parfaitement immoral de considérer ses adversaires politiques comme moralement mauvais ou méchants (et son propre parti comme bon). Cela engendre la haine, laquelle est toujours mauvaise".
Concrètement, cela signifie qu'il est temps, entre démocrates, de cesser, non pas de se combattre, mais de le faire par le discrédit moral , la disqualification intellectuelle ou pire par le dégoût. " Pire " parce qu’un tel dégoût pourrait amener ceux qui l’éprouvent à faire le jeu, pour ne pas " se salir les mains une fois de plus ", d’un vrai fasciste ; mais " pire " surtout parce que cela contribue à banaliser la haine et à maintenir un climat de guerre civile tout à fait hors de propos.